La refonte du système de santé à partir des initiatives de terrain : Article 51 et Covid 19, un cocktail gagnant ?

L’article 51 de la loi de financement de la Sécurité Sociale 2018 permet à tous les acteurs du système de santé – locaux, régionaux ou nationaux, publics ou privés – de proposer et d’expérimenter des organisations innovantes en santé. Autorisées pour une durée maximale de 5 ans, elles bénéficient de dérogations financières et organisationnelles. Partant du constat d’une nécessaire réorganisation du système de santé, ce cadre doit améliorer l’accessibilité, l’efficience, la qualité du système de santé tout en redynamisant les territoires et en valorisant souvent l’exercice coordonné des professionnels de santé.

Lors de sa promulgation, l’article 51 augurait de nombreuses promesses. Sur le plan organisationnel, avec une volonté de permettre aux acteurs de terrain de faire remonter leurs initiatives innovantes (organisation « bottom-up »), et sur le plan économique : l’amélioration des parcours de soins devant permettre une réduction des dépenses de santé.

Deux ans après sa sortie, l’article 51 a-t-il permis aux acteurs de terrain de proposer des projets innovants & favorables au décloisonnement entre les acteurs ? Quel sera l’impact de la crise du Covid 19 sur cet outil de refonte par touche du système de santé ?

50 projets autorisés à la mi-mars 2020

Les projets peuvent être déposés par tous les acteurs du terrain (professionnels de santé, associations de patients, établissements sanitaires, médico-sociaux, villes etc.). Ils sont construits en lien avec l’ARS sur la base d’une lettre d’intention. Les dossiers sont ensuite soumis pour examen au Comité Technique de l’Innovation en Santé (CTIS), qui décide de leur expérimentation. Alternativement, les acteurs peuvent répondre à des Appels à Manifestation d’Intérêt (AMI) lancés au niveau national par le Ministère de la Santé et coconstruits avec les ARS.

Pour être accepté, chaque projet doit :

– Présenter un caractère innovant justifiant une dérogation au cadre financier ou organisationnel,

– Démontrer un modèle économique efficient, c’est-à-dire qu’il doit permettre une amélioration de la qualité de prise en charge & induire à une réduction des dépenses de santé,

– Démontrer la faisabilité opérationnelle,

– Enfin, il doit pouvoir à terme être reproduit à grande échelle.

En juin 2019 le rapport au Parlement sur l’Article 51[1] comptabilisait 577 projets déposés à l’initiative des acteurs du monde de la santé et des pouvoirs publics (ministère de la Santé et Assurance Maladie). 58% d’entre eux étaient classés recevables après examen. 16% des projets non reçus avaient fait l’objet d’une proposition de réorientation vers d’autres dispositifs comme le Fonds d’Intervention Régionale (FIR) ou le Programme de Recherche Médico-Economique (PRME). 8% des projets classés recevables (26) avaient été autorisés à la date de juin 2019. Depuis, une vingtaine d’autres expérimentations ont été autorisées pour arriver à un total de 50 projets autorisés en mars 2020 (40 provenant d’acteurs de terrain, et 10 des pouvoirs publics).

Des projets majoritairement portés par les hôpitaux, orientés vers la coordination des parcours de soins

Concrètement, la majorité des projets autorisés concernent le suivi de maladies et infections chroniques, comme l’obésité ou la santé mentale, le suivi bucco-dentaire ainsi que l’accès aux soins des populations fragiles. Plus de la moitié ont pour but d’améliorer l’organisation et la coordination des parcours de soins et de développer des modes d’exercice coordonné entre professionnels de santé. Ainsi, près de deux projets sur cinq visent à renforcer le lien ville/hôpital. L’utilisation du numérique avec la Télésanté est présente dans les innovations proposées par les acteurs : environ un quart des projets y font appel pour faciliter l’accès aux soins des usagers. Elle est par exemple au cœur de l’expérimentation « TokTokDoc », portée par une start-up, qui met en lien des médecins spécialistes et généralistes avec des résidents d’EHPAD isolés pour des téléconsultations, afin de pallier les problématiques d’accès aux soins dans les déserts médicaux.

L’organisation de parcours de soins consiste à renforcer l’anticipation, la coordination et la communication entre les professionnels de santé pour favoriser la prise en charge totale d’un patient. Par exemple, l’expérimentation portée par le groupe hospitalier Hospi Grand Ouest souhaite développer un « parcours de périnatalité coordonné ville-hôpital dans le cadre d’une grossesse physiologique ». Il prend la forme d’un accompagnement ville-hôpital de la femme enceinte, depuis sa première consultation de grossesse aux deux mois de l’enfant, grâce à l’organisation d’un réseau de sages-femmes référencé et à la mise en place d’une fonction de coordination pour animer le réseau et gérer le suivi.

L’exercice coordonné, quant à lui, consiste à créer un cadre attractif pour la coordination des professionnels de santé afin de faciliter l’accès aux soins de premiers recours et à la prévention. En témoigne le projet Equilibres, porté par l’association « Soignons Humain », dont le but est de favoriser le maintien à domicile de personnes porteuses de handicaps, grâce à une prise en charge globale permise par un travail d’équipe entre infirmiers, auxiliaires de vie et autres PS. L’expérimentation entend remplacer le paiement à l’acte par un paiement à l’heure, mieux adapté au temps passé au chevet des personnes.

Ainsi, les expérimentations générées par l’article 51 vont clairement dans le sens d’une amélioration de l’accès aux soins dans les territoires grâce à un maillage renforcé, et à l’utilisation du numérique. Si le nombre de propositions est important, on constate toutefois que le nombre de projets effectivement autorisés reste faible deux ans après la promulgation de l’article. De même, si l’article 51 devait pousser tous les acteurs de terrain à proposer des innovations, la majorité des porteurs de projets sont pour l’instant portés par des hôpitaux. Ainsi, sur un bilan[2] dressé en juin 2019 par le Conseil Stratégique chargé du pilotage de l’Article 51, moins de 3% des projets avaient été déposés par des établissements médico-sociaux contre 42% par des établissements sanitaires publics et privés. Le reste des acteurs se répartit comme suit : 21% d’associations, 10% de villes, 9% de sociétés, 8% d’acteurs divers (Groupements de coopération sanitaires, Fédérations), 5% de personnes physiques et 2% par les pouvoirs publics (ARS, CPAM, Conseils Départementaux)[3].

Une simplification du dispositif et un accompagnement renforcé pour favoriser l’adhésion des porteurs de projet

Les premières remontées ont souligné que la procédure de dépôt de dossier était trop lourde pour les acteurs de petite et moyenne taille, à l’image des établissements médico-sociaux (ESMS). En effet, l’élaboration du cahier des charges en lien avec l’ARS peut être un exercice complexe. Les acteurs de petite taille ont sans doute plus de difficultés à mobiliser les ressources nécessaires et à s’appuyer sur leurs porteurs internes. En outre, les critères de recevabilité des projets soumis par des ESMS ont été jugés comme manquant de clarté par le Conseil Stratégique[4] : « Des différences d’appréciation et de priorisation peuvent exister entre les différentes ARS, sur certains sujets, en particulier les sujets médico-sociaux ne relevant pas exclusivement du financement par l’assurance maladie. » Cela pourrait en partie expliquer pour les ESMS sont peu représentés parmi les porteurs de projets.

Pour faciliter l’écriture des projets, une simplification du dispositif a donc été effectuée à l’été 2019 :

– Création de « l’Accélérateur 51 », incubateur d’idées en région regroupant des experts du ministère, des représentants d’ARS ou de l’Assurance Maladie a été mis en place afin d’aider certains porteurs à clarifier leur projet.

– Simplification de la lettre d’intention.

– Suppression de la double relecture du cahier des charges (CTIS et ARS) avant finalisation.

– Les ARS ont lancé des travaux de réingénierie des dossiers reçus avec les porteurs de projet, afin de mieux identifier, voire créer, la dérogation financière indispensable à l’acceptation de l’expérimentation.

Les ARS prennent en compte la nécessité d’accompagner les porteurs de projet, en direct ou à travers le recours à des prestations de conseil spécialisées auprès de cabinets extérieurs. Pour ce faire, elles peuvent soit financer directement les porteurs de projet grâce au FIR, soit lancer un appel d’offre pour des cabinets de conseil. Neuf ARS (Auvergne – Rhône-Alpes, Bretagne, Centre-Val de Loire, Ile-de-France, Normandie, Occitanie, Pays-de-Loire, PACA et Grand Est) se sont ainsi regroupées en 2019 pour référencer à travers un accord-cadre 5 groupements de prestataires habilités à intervenir auprès des porteurs de projets de leur région.

Le travail d’approfondissement, conduit de manière tripartite entre l’ARS, le porteur de projet et les cabinets de conseils à travers ces démarches, contribue, à n’en pas douter, à clarifier la démarche méthodologique, faciliter son appropriation et alimenter la « jurisprudence » sur le fonctionnement du dispositif article 51. Le souci d’une plus grande simplification se fait jour à travers ces travaux.

L’article 51, un outil pour capitaliser sur les organisations & coopérations mises en place en temps de crise ?

La crise sanitaire actuelle liée au Covid-19 prouve la capacité des acteurs de la santé à déployer de nouvelles organisations, y compris appuyées sur le numérique, pour garantir la prise en charge et l’accompagnement des populations.

Au-delà des projets directement liés à la gestion de la crise, elle pourrait aussi être à l’origine d’un foisonnement d’initiatives nouvelles tant elle a fait apparaître la nécessité et la possibilité de coordonner l’action des différents secteurs de la santé. Ainsi, l’amélioration de la coordination des soins de premier recours de ville et de l’hôpital pour favoriser une meilleure orientation des patients et leur suivi à domicile a été optimisée grâce à des outils numériques notamment. Il en est de même pour réussir l’accompagnement à domicile des personnes dépendantes.

Or, toutes ces innovations organisationnelles chercheront à être pérennisées et généralisées dans l’après-crise, de quoi constituer un nouvel afflux de demandes en direction de l’Article 51. C’est d’ailleurs la voie indiquée par Natacha Lemaire, Rapporteure générale au Ministères des solidarités et de la santé, chargée de l’animation des démarches d’innovation en santé. Elle invite, début mai 2020, les porteurs d’innovations nées de la crise du Covid à se manifester auprès de la cellule en charge de l’article 51.

A n’en pas douter, cela ne fera que renforcer la demande de simplification, d’adaptabilité et de souplesse des démarches d’innovation en santé et probablement aussi le besoin d’abondement de l’enveloppe financière à la disposition des ARS pour financer ingénierie et amorçage. Ces caractéristiques que notre système de santé parvient à faire sienne en temps de crise, il lui revient de démontrer qu’il saura les intégrer dans la durée.

Regard by Proxicare

Les premiers retours sur le dispositif de l’article 51 permettent de constater un vrai démarrage de la démarche qui présente toutefois des axes d’amélioration pour que l’innovation en matière d’organisation s’appuie réellement sur les initiatives des acteurs de terrain dans leur diversité. La conception d’un projet type Article 51 et l’écriture de son cahier des charges nécessitent une bonne connaissance du fonctionnement du système de santé, la maîtrise de la conception et conduite de projet et… des ressources en temps. Tous ne sont pas également dotés pour y faire face.

Proxicare, fort de ses interventions auprès de nombreux acteurs différents du monde de la santé a accompagné plusieurs acteurs dans la définition de leur projet et l’élaboration de la lettre d’intention.

Attributaire de l’accord-cadre des neuf ARS pour l’accompagnement de porteurs de projets Article 51 dans la finalisation des cahiers des charges dans le cadre d’un consortium avec Mazars.

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Bibliographie :

Assurance Maladie, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), Guide méthodologique de l’évaluation des projets art.51 LFSS 2018, 2019

Conseil Stratégique, Bilan annuel, 24 janvier 2019

Conseil Stratégique, Rapport au Parlement sur les expérimentations innovantes en santé (Article 51 de la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2018), Juin 2019

Conseil Stratégique, Expérimentations innovantes en santé – Mise en œuvre du dispositif en 2018, 2018

Magasine Directions, Innovations dans le système de santé, des blocages à lever, 22 août 2019

[1] Ministère des Solidarités et de la Santé, Rapport au Parlement sur les expérimentations innovantes en santé, Juin 2019

[2] Ibid

[3] Ibid

[4] Conseil Stratégique d’innovation en santé, Bilan à un an, 24 janvier 2019.

L’exception allemande face à la crise du coronavirus

[1]

Alors que le COVID-19 sévit en Europe depuis bientôt deux mois et avec un nombre de cas recensés équivalent en Allemagne et en France au 20 avril 2020, le bilan de la France est beaucoup plus lourd :

  • 19 718 français sont morts du virus pour un nombre de cas recensés de 152 894
  • 4 642 allemands sont morts du virus pour un nombre de cas recensés de 145 743[2].

Quelles sont les spécificités allemandes susceptibles d’expliquer, au moins en partie, cet écart ?

  • L’Allemagne mise sur une politique de santé axée sur la prévention et le dépistage massif de la population

Depuis la mi-janvier, et le premier cas avéré en Allemagne, une politique massive de dépistage a été mise en place à l’image de la Corée du Sud par exemple. Entre 300 000 et 500 000 personnes sont testées en Allemagne chaque semaine avec un objectif de dépistage de 200 000 tests par jour dans les semaines à venir. En France, à la mi-mars, le nombre de tests par jour était encore de 10 000 avec comme objectif : 30 000 tests quotidiens à l’échéance de la fin avril.[3]

Le déploiement d’un tel volume de tests en Allemagne, dès le début de l’épidémie, a été possible grâce à la présence et à l’appui de laboratoires indépendants, qui ont permis la production et la mise à disposition de tests en un temps record.

Le dépistage à grande échelle reste plus difficile en France car peu d’entreprises françaises sont productrices des tests autorisés sur le territoire français. Une majorité des producteurs sont d’origine asiatique ou d’autres pays européens.

En France, la stratégie a consisté à limiter le dépistage au corps médical et aux patients présentant des symptômes graves alors qu’en Allemagne toute personne présentant des symptômes de la maladie (même bénins) et tous ceux ayant été au contact de malades ont été testés.

Cette prise en charge plus précoce en Allemagne aurait donc permis de détecter les cas plus rapidement et à les isoler pour éviter la propagation du virus dans la population, tandis qu’en France, la détection des porteurs du virus aurait tardé[4].

Au-delà du nombre de tests disponibles, un autre frein observé en France concerne la régulation contraignante en contexte de crise. En effet, au début de l’épidémie, celle-ci n’a autorisé que les laboratoires médicaux de sécurité biologique de niveau II et les établissements de santé de référence à réaliser des tests. En Allemagne, cette capacité a été étendue dès le début de l’épidémie. Elle est permise dans les centres hospitaliers et par les médecins généralistes mais également par les laboratoires directement auprès des patients installés dans leurs véhicules[5].

  • Les budgets investis dans les hôpitaux et dans la recherche en Allemagne sont significativement plus importants qu’en France

Pour une part du PIB consacrée à la santé sensiblement similaire dans les deux pays (environ 11%), l’Allemagne est mieux dotée que la France en soins intensifs. Pour exemple, l’Allemagne dispose d’une capacité de 6 lits pour 1 000 habitants, soit l’une des plus élevées de l’OCDE. Au début de la crise, le nombre de lits de réanimation était de 28 000 au total dont 25 000 équipés d’une assistance respiratoire. Elle dispose aujourd’hui d’une capacité de 40.000 lits dont 30.000 équipés de respirateurs pour faire face à la crise[6].

En France, le manque de moyen des hôpitaux publics est exacerbé par l’arrivée de la crise. Au début de l’épidémie, sa capacité est de 5 000 lits en réanimation soit 3,1 lits pour 1 000 habitants[7]. Au 31 mars, 45% de ces lits étaient disponibles en Allemagne alors qu’en France sur 1500 places en réanimation en Ile de France par exemple, 1 300 étaient occupés. À certains endroits comme en Seine Saint-Denis, les hôpitaux étaient donc ainsi déjà saturés.

Trois différences liées à la structure du système de santé et aux dépenses affectées pourraient expliquer, en partie un meilleur contrôle de l’épidémie outre Rhin :

  • L’Allemagne est le premier pays européen en termes de dépenses de santé par habitant, et compte 4,3 médecins pour 1 000 habitants contre 3,4 en France[8].
  • Entre 2000 et 2016, l’Allemagne a entrepris des réformes qui consistaient à privatiser les hôpitaux publics. Ainsi, dans cette phase de réforme, elle a perdu 30% de ses hôpitaux publics et le nombre de cliniques privées a augmenté de 45%[9]. Des études ont montré que la qualité des soins dans les anciens hôpitaux publics s’est améliorée après leur privatisation, entre autres, grâce à une hausse du nombre de médecins par lit. Les études démontrent également des gains d’efficacité des hôpitaux privés (de 3,2 à 5,4% supérieurs aux hôpitaux publics)[10].
  • L’Allemagne est un des leaders de l’OCDE en matière de dépenses dans le domaine de la recherche. En cette période de crise, le gouvernement allemand déclare vouloir débloquer 150 millions d’euros pour la recherche qui consisteront pour une partie à compiler des données sur les patients COVID et aider à la conception d’un vaccin. En France, les dépenses consacrées à la recherche sont relativement faibles comparées à d’autres pays de l’OCDE et les scientifiques considèrent que du temps a été perdu en faveur de la recherche sur le coronavirus depuis l’épidémie du SRAS car une fois la menace écartée, les fonds ont baissé et n’ont pas permis de maintenir le rythme de recherche souhaité par certains scientifiques[11].
  • Les avantages d’un système fédéral allemand

L’Allemagne est un état fédéral composé de 16 entités autonomes, les Länder, dotés chacun d’un gouvernement, légitimes à la prise de décision et la budgétisation dans certains domaines tels que la santé. Face à la gestion de l’épidémie, le fédéralisme allemand permet aussi une coopération entre les Länder. Ainsi, les Länder les plus riches paient pour les autres moins bien dotés pour permettre une prise en charge équivalente des patients. Parallèlement, l’autonomie des Länder leur a permis d’adapter les mesures de confinement à leur situation spécifique.

En France, état plus centralisé, les mesures et conditions sanitaires dictées sont relativement homogènes entre les régions. Toutefois le fonctionnement d’une administration centralisée suppose qu’elle bénéficie d’un niveau de confiance élevé de la population. Or, la confiance nécessite une part de patience qu’il est difficile d’atteindre rapidement en situation d’urgence.

Logiquement, la levée progressive du confinement a été engagée de façon plus précoce par l’Allemagne : à compter du 21 avril pour la réouverture de certains commerces (moins de 800 m2 carrés) puis du 4 mai pour la réouverture de certains établissements scolaires.


[1] Revue non exhaustive à vocation explicative. Cette revue n’a pas pour objectif de comparer les deux systèmes de santé, qui comportent chacun des qualités et des faiblesses.

[2] Johns Hopkins, Coronavirus resource center, Online Dashboard : https://coronavirus.jhu.edu/map.html, consulté le 20/04/2020.

[3] Francetvinfo, journal en ligne : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-pourquoi-l-allemagne-semble-t-elle-mieux-gerer-l-epidemie-que-la-france_3894519.html

[4],6  LCI, journal en ligne :  https://www.lci.fr/international/coronavirus-pourquoi-l-allemagne-s-en-sort-mieux-que-ses-voisins-europeens-pour-le-moment-face-a-l-epidemie-de-covid-19-2150458.html

[5] Le Monde, journal en ligne : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/03/20/coronavirus-la-france-pratique-t-elle-assez-de-tests_6033865_4355770.html

[6] Francetvinfo, journal en ligne : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-pourquoi-l-allemagne-semble-t-elle-mieux-gerer-l-epidemie-que-la-france_3894519.html

[8] France culture, en ligne : https://www.franceculture.fr/politique/y-a-t-il-un-modele-allemand-dans-la-lutte-contre-le-coronavirus

[9] Le courrier des stratèges, en ligne : https://lecourrierdesstrateges.fr/2020/04/06/le-systeme-de-sante-allemand-prive-et-concurrentiel-fait-beaucoup-mieux-que-les-systemes-publics-francais-et-anglais/

[10] Le secteur privé dans un système de santé public : l’exemple allemand, Frederik Cyrus Roeder, Institut économique de Montréal, février 2012.

[11] France tvinfo, journal en ligne : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-pourquoi-l-allemagne-semble-t-elle-mieux-gerer-l-epidemie-que-la-france_3894519.html

Les Centres Intégrés de Santé et de Services québécois, un modèle pour la France ?

Depuis 2016 et la loi de modernisation du système de santé (Loi Touraine), la France s’oriente vers une transformation de son système de santé pour améliorer l’accès aux soins et mieux répondre aux besoins de la population. Cette transformation, concrétisée par le plan de réforme « Ma santé 2022 »[1] et par le rapport de la Task Force dédié à l’évolution des modes de financement et de régulation publié en janvier 2019[2], se traduit notamment par :

  • Le déploiement de nouvelles organisations de soins: les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT), associant les hôpitaux publics d’un territoire, et les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) visant à regrouper des professionnels du secteur socio-sanitaire de 1er et second recours autour de projets de santé,
  • L’arrivée de nouveaux modèles de rémunération des soins avec un objectif de réduction de la part des soins financée à l’activité (T2A).

Ces nouveaux modes d’exercice collectif (GHT et CPTS), associés aux évolutions du financement, doivent permettre de conduire des projets de soins pertinents et une prise en charge coordonnée sur chaque territoire pour améliorer notamment la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques et des personnes âgées.

A ce stade, de nombreuses questions demeurent : ces transformations vont-elles permettre d’adapter l’offre aux réels besoins des patients ? Vont-elles inciter les professionnels de santé à travailler ensemble ? Seront-elles efficaces pour mieux coordonner la prise en charge des patients ?

D’autres systèmes de santé tentent déjà d’y apporter des réponses. Ainsi, le Québec a par exemple engagé une transformation similaire en mettant en place des structures d’exercice collectif coordonnées et des prises en charges protocolisées.

L’organisation des soins au Québec

Au Québec, la structure du système de santé repose sur deux principes clés : la responsabilité populationnelle et la hiérarchisation des soins (soins de proximité ou de première ligne, soins spécialisés ou de deuxième ligne et soins hyper spécialisés ou de troisième ligne).

Depuis 2003 et la loi sur les agences de développement de Réseaux Locaux de Santé et de Services Sociaux (RLS), le gouvernement a initié une réforme majeure dans l’objectif de rapprocher les services de santé de la population, de les rendre plus accessibles, de mieux coordonner les soins et de permettre une continuité des services de santé offerts à la population[3]. Elle a d’abord conduit au regroupement des structures de soins en Centres de Santé et de Services Sociaux (CSSS), organisés par territoire.

Plus concrètement, les CSSS regroupent :

  • Des CLSC (Centres Locaux de Services Communautaires) qui offrent des soins de 1er recours, des services de nature préventive ou curative, des services de réadaptation et des activités de santé publique (Ex : promotion santé et bien-être),
  • Des CHSLD (Centres d’Hébergement et de Soins de Longue Durée) qui dispensent des prestations d’hébergement, d’assistance, de soutien et de surveillance ainsi que des services psychosociaux aux personnes en situation de perte d’autonomie et dont le maintien à domicile est devenu impossible,
  • Des CH (Centres Hospitaliers) délivrant des soins de 2ème et de 3ème ligne, et des soins psychiatriques.

En 2015, cette réforme est allée plus loin avec la loi modifiant l’organisation et la gouvernance des réseaux. Dès lors, plusieurs CSSS ont fusionné pour créer des mégastructures de santé : les CISSS (Centres Intégrés de Santé et de Services Sociaux) ou CIUSSS (intégrant des activités universitaires), directement rattachées au ministère de la santé et des services sociaux[4].

Les CISSS/CIUSSS sont responsables de planifier les services de santé et sociaux délivrés à la population de leurs territoires et les ressources associées, en cohérence avec 9 programmes de services (ex : santé mentale, santé physique. etc.) et des programmes de soutien (d’ordre administratif) définis par le ministère. Chaque CISSS adapte ses services selon l’analyse des caractéristiques et des besoins de la population de son territoire. Ainsi, certains CISSS décident par exemple d’allouer plus de ressources à la santé mentale, tandis que d’autres vont investir davantage dans des programmes de soutien à l’autonomie des personnes âgées.

Ils portent également une activité de coordination des soins dispensés au patient, selon des programmes de soins et de suivi protocolisés. Par exemple, lorsqu’un patient est diabétique, son médecin de famille peut l’inscrire à un programme dédié au suivi de sa pathologie porté par le CISSS. Ce programme d’une durée de 2 à 3 ans lui donne accès à divers professionnels (infirmiers, intervenants psychosociaux, kinésiologues, nutritionnistes, pharmaciens etc.) et à un médecin spécialiste si nécessaire. Avec cette organisation, ce n’est plus le patient qui fait le lien entre les différents acteurs du système mais le CISSS qui organise leurs interventions pour le suivi et la gestion de sa maladie.

Enfin, le gouvernement a engagé en 2015 une réforme du financement des soins dans les établissements de santé. Les établissements québécois vont passer de la dotation globale au financement à l’activité (équivalent de la T2A en France), afin d’assurer une meilleure gestion des ressources.

Une inspiration pour le modèle français ?

Le modèle d’organisation des soins au Québec et les différentes réformes qui s’y sont succédées présentent des points communs avec la situation française. Leurs objectifs valorisent en effet une approche « centrée sur le patient » et la création de structures coordonnées.

Ainsi, la création des CISSS/CIUSSS vise le même type d’objectifs qu’en France. L’implantation de programmes de prise en charge des patients uniformisés doit permettre une meilleure prise en charge du patient tout au long de sa trajectoire de soins et une coordination entre les différents niveaux de services. Au Québec, l’atteinte de ces objectifs passe aussi par le numérique : l’utilisation de systèmes d’information tels quel le DSQ (Dossier Santé Québec) par lequel les différents professionnels de santé (de ville ou d’hôpital) partagent au quotidien des informations sur le patient.

La France s’oriente dans cette direction avec les CPTS et les GHT, des structures plus morcelées qu’au Québec mais dont on attend aussi qu’elles relèvent le défi de la mise en place de protocoles, d’offres de services adaptés aux besoins des patients et d’un « décloisonnement » entre les secteurs (notamment sanitaire et médico-social, ville et hôpital).  Alors que les médecins de ville au Québec restent majoritairement rémunérés à l’acte [5](72% actes et consultations,17% vacations, 5% salaires et 6% capitation), la France mise sur une révision de ce modèle de rémunération pour soutenir la transformation des pratiques (augmentation de la part de rémunération au forfait , pour les pathologies chroniques, et rémunération à l’épisode de soins).

Tout en prenant en compte les spécificités de son écosystème, la France peut-elle s’inspirer du modèle québécois ? La création de « mégastructures » semblables aux CISSS et CIUSSS est-elle une évolution potentielle pour coordonner les parcours ? A ce jour, il n’existe pas encore d’évaluation des impacts des réformes sur le système de santé québécois. De nombreux chercheurs s’interrogent cependant sur les bénéfices d’un tel modèle d’organisation.  Il convient alors de rester attentif aux impacts de la réforme du système de santé au Québec afin de pouvoir en tirer des enseignements pour la France.

Regard d’expert ByProxicare

Les offreurs de soins doivent relever le défi de la constitution des CPTS, structures d’exercice coordonné fondées sur des projets de santé adaptés aux besoins des territoires. Proxicare accompagne les acteurs de terrain dans leurs réflexions et apporte sa connaissance des systèmes de santé.

Par Fatéma Nouroudine Hassanaly

[1] Ministère des solidarités et de la santé (2018). Synthèse de « Ma santé 2022 : un engagement collectif ».

[2] Ministère des solidarités et de la santé (2019). Synthèse du rapport de la Task Force « Vers un modèle de paiement combiné ».

[3] Gouvernement du Québec. (Mars 2018). « Plan économique du Québec : Des services de santé accessibles et de qualité (Budget 2018-2019) ».

[4] Gouvernement du Québec (2017). Ministère de la Santé et des Services sociaux. Le système de santé et de services sociaux au Québec.

[5] Assurance Maladie. Les modèles de rémunération : un regard international.