Dérive des arrêts de travail : Vers un renforcement et une accélération des contrôles ?
< Actualités - Publié le 19 septembre 2023

Dérive des arrêts de travail : Vers un renforcement et une accélération des contrôles ?

Le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a annoncé dimanche 27 août dernier, vouloir renforcer les contrôles des Français en arrêt de travail, afin d’en rééquilibrer le système d’indemnisation et, à terme, de favoriser la soutenabilité du budget de la Sécurité Sociale.

Le mécanisme actuel d’indemnisation des arrêts de travail repose sur 3 composantes :

  • L’Indemnité Journalière (IJ) versée par l’Assurance Maladie, à partir du 4ème jour, à hauteur de 50% du salaire brut plafonné à 1,8 SMIC (3 144,96€ depuis le 1er mai 2023)
  • Un complément de salaire minimum versé par l’employeur à partir du 8ème jour d’arrêt, sous réserve du respect de certaines conditions et s’élevant à 90% du salaire brut sur 30 jours, puis à 2/3 du salaire brut les 30 jours suivants. Selon la convention collective applicable, ce complément de salaire du par l’employeur peut être plus favorable
  • Une garantie maintien de salaire versée par un organisme de prévoyance, en fonction de la convention collective de l’entreprise et du contrat souscrit par l’entreprise

Du fait de son rôle prépondérant dans ce mécanisme d’absorption, l’Assurance Maladie questionne aujourd’hui la nécessité de mettre en œuvre des réformes pour infléchir les effets pernicieux associés à l’accroissement des arrêts de travail.

Dans une tribune du Figarovox, le directeur général de l’Assurance Maladie, Thomas Fâtome, exprime l’ambition de « Contribuer à ce que la dépense d’arrêts de travail soit justifiée pour garantir la pérennité de notre système de protection sociale ».

Retour sur les principaux enjeux liés à l’indemnisation des arrêts de travail.

 

État des lieux

Cette annonce fait notamment suite au rapport « Charges et produits » publié le 6 juillet par l’Assurance Maladie, qui montre une hausse sensible du coût des arrêts de travail.

En effet, la charge induite par les arrêts de travail sur l’année 2022 se révèle très élevée, tant sur le plan du nombre de jours indemnisés que sur celui du coût financier global : « 16,3 milliards d’euros d’Indemnités Journalières (IJ) versées en 2022, en hausse de 8,2% par rapport à 2021 ».

Cette charge financière résulte de plusieurs facteurs socio-économiques mentionnés par l’Assurance Maladie :

  • La hausse du taux d’activité des 55-64 ans (de 43% en 2010 à 60% en 2022)
  • La hausse du montant remboursé de l’Indemnité Journalière moyenne (9738 millions d’euros en 2922, contre 9168 millions d’euros remboursés en 2021)
  • La hausse de la durée moyenne d’arrêt par classe d’âge
  • La hausse du taux de recours aux indemnités journalières

Parallèlement, ce coût financier global s’explique par un ratio de près de moitié des arrêts de travail de longue durée. Par ailleurs, ceux-ci concernent majoritairement des salariés proches de la retraite. Le baromètre AXA publié en mai 2023 met en lumière cette distinction générationnelle qui transparaît dans la durée moyenne des arrêts de travail : 42,6 jours en moyenne pour les plus de 60 ans, contre 18,1 jours pour les 40 à 25 ans.

 

Perspectives

Le ministre de la Santé envisage, avec le concours de l’Assurance Maladie, de soutenir cet objectif de réduction de la charge induite par les arrêts de travail, à partir de mesures aujourd’hui encore hypothétiques pour certaines :

  • Le renforcement et l’accélération des contrôles des arrêts de travail,
  • La mise sous objectifs de diminution de prescriptions des médecins identifiés et l’appel à la responsabilité collective de la profession, d’ores et déjà vivement contestés par les syndicats de médecins généralistes
  • Le rôle de régulation, en dernier recours, de l’Assurance Maladie
  • La hausse de la franchise sur les médicaments

S’agissant du contrôle des arrêts de travail, Thomas Fatôme indiquait dans une interview du 18 septembre dernier : « Quand on contrôle 300 000 assurés, dans 20% des cas, l’arrêt n’est pas justifié ! ». À ce jour, un peu moins de 1000 médecins généralistes, soit 2% d’entre eux, ont été ciblés pour organiser des dialogues individuels susceptibles de déboucher sur une procédure de mise sous objectifs (dans moins de la moitié des cas), voire une mise sous accord préalable (MSAP) pour une petite minorité.

En complément, le ministre souhaite responsabiliser les entreprises, en renforçant plus que jamais les actions de prévention et de qualité de vie au travail et en mettant davantage en évidence leur rôle dans le circuit d’indemnisation. 250 entreprises de plus de 150 salariés présentant des taux d’absentéisme élevés, auraient été rencontrées ces derniers mois par l’Assurance Maladie.

Serait a priori exclue de ces mesures la diminution du coût de l’Indemnité Journalière.

En tout état de cause, le dispositif actuel (reposant entre autres sur un effet cumulatif entre l’indemnisation légale versée par la Sécurité Sociale et une garantie maintien de salaire versée par les employeurs et les instituts de prévoyance), ne devrait donc pas être sensiblement impacté par les évolutions à venir. Le Centre Technique des Institutions de Prévoyance (CTIP) déplorait pourtant, en juin dernier « Une dérive structurelle des arrêts de travail », à la source d’une augmentation inévitable des cotisations visant à couvrir le versement toujours plus fréquent de garanties maintien de salaire, ce qui fragiliserait leur santé financière.

Certaines de ces mesures seront discutées, dans le cadre de la négociation conventionnelle entre les syndicats de médecins libéraux et l’Assurance Maladie, appelée à redémarrer dans les prochaines semaines.

Face aux polémiques naissantes, la Première Ministre affirme « Nous devons ensemble, médecin, assurances maladies, gouvernement, employeurs, salariés, trouver la façon de contenir ces dépenses ».

À terme, certaines mesures devraient figurer dans le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour l’année 2024.

 

Marie Groëll


 

Sources

Timour Aggiouri, Merci pour l’Info, « Arrêts maladie : comment le gouvernement va renforcer les contrôles », 29 août 2023

Emmanuel Cugny, France Info, « Arrêts-maladies : le gouvernement souhaite donner un coup de frein aux arrêts de travail de « complaisance » », 28 août 2023

Marianne, « La hausse des arrêts maladie n’est « pas soutenable » selon le nouveau ministre de la Santé », 27 août 2023

Assurance Maladie, Synthèse du rapport de propositions de l’Assurance Maladie pour 2024, Juillet 2023

Assurance Maladie, « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses », Juillet 2023

Loan Tranthimy, Le Quotidien du Médecin, «  »On n’a pas besoin de cette campagne de dénigrement » : face au contrôle des IJ, le cri d’alarme du président de l’Ordre de Dordogne », 05 septembre 2023

Axa, Datascope, l’observatoire de l’absentéisme, Mars 2023

Sud Ouest, « Arrêts de travail : une hausse inquiétante, selon les instituts de prévoyance », 15 juin 2023

Thomas Fâtome, FigaroVox, « Les arrêts de travail doivent bénéficier à ceux qui en ont réellement besoin », 11 septembre 2023

François Petty, Cyrille Dupuis, Loan Tranthimy, Le Quotidien du Médecin, « [Exclusif] Thomas Fatôme (Cnam) : « Celui qui n’a pas compris que les 30 euros étaient un sujet majeur… », 18 septembre 2023

Les autres actualités by Proxicare

 
 
 

[Décryptage] Mission d’information sur les complémentaires santé, mutuelles et l’impact sur le pouvoir d’achat des Français

Proxicare vous présente la mission d'information sur les OCAM et le pouvoir d'achat des...

 
 
 

[Décryptage] Les Parcours Coordonnés Renforcés, un nouveau financement de la coordination introduit par la LFSS 2024

Proxicare vous décrypte ce dispositif issu des réflexions liées à la nécessité de prépa...

 
 
 

Les services d’accès aux soins : point d’étape et enjeux

Proxicare décortique le Service d'accès aux Soins, la nouvelle réponse à l'engorgement ...