Les Indemnités Journalières (IJ) ont connu une hausse de 27, 9% entre 2019 et 2023, s’ajoutant à une augmentation de 28,9 entre 2010 et 2019, soit une dépense de 10, 2 M d € au titre de l’indemnisation des arrêts maladies des salariés du secteur privé et des contractuels de la fonction publique. Entre janvier et avril 2025, la hausse était de 6,7%, contre une prévision de 4% amenant l’Assurance Maladie à tirer la sonnette d’alarme.
Des propositions phares ont ainsi été formulées au sein du Rapport Charges et Produits pour 2026, pour répondre au triptyque édicté par l’Assurance Maladie elle-même « Des enjeux de lisibilité, d’équité et de soutenabilité ».
Ces propositions entendent enrayer les dépenses causées par la progression des arrêts de travail, tant en matière de coût, que de durée et de fréquence ; et contribuer au rétablissement d’une dynamique de soutenabilité du système de santé.
Celles-ci peuvent être réparties en quatre ensembles thématiques :
- La simplification et l’uniformisation des conditions d’ouverture des droits
Ces propositions visent à rationaliser un système d’indemnisation dont les multiples particularismes liés aux situations nuisent à l’efficience du traitement des droits et in fine, à l’équité entre les assurés.
- La mise en conformité des périodes de référence quelle que soit la modalité choisie pour le calcul de l’IJ, les conditions de cotisation (6 mois aujourd’hui) ou bien le nombre d’heures travaillées (3 mois aujourd’hui)
- Le choix d’une période de référence limitée au dernier employeur, comme base de calcul du montant de l’IJ
- La mise en place systématique d’obligations légales de complément de l’employeur et, éventuellement, d’un niveau minimum de couverture prévoyance (pour pallier les conditions différenciantes notamment imposées dans la Loi de Mensualisation)
- La lutte contre l’absentéisme de courte durée
Pour l’assurance maladie, les facteurs économiques (notamment la hausse des salaires) et démographiques expliquent environ 57 % de la progression des dépenses d’indemnités journalières entre 2019 et 2023. Les plus de 40 % restants s’expliquent par une hausse de la sinistralité à âge donné, susceptible de provenir d’une dégradation des conditions de travail et d’arrêts de travail non justifiés. Pour limiter les arrêts de travail de courte durée, qualifiés d’arrêts « évitables », en particulier les arrêts de moins de 8 jours représentant près de la moitié des arrêts indemnisés, certaines propositions[1] de la CNAM visent à encourager les employeurs à déployer davantage la prévention et l’accompagnement social et médical des salariés.
- L’accompagnement de l’employeur par la CPAM et le versement d’un bonus en cas de diminution de l’absentéisme vers la moyenne du secteur d’activité ; a contrario, d’un malus pour l’employeur en cas de statu quo (voir encadré)
- Le transfert de tout ou partie de la charge d’indemnisation à l’employeur jusqu’au 8ème jour d’arrêt, duquel viendrait en compensation l’introduction d’un jour de carence d’ordre public
- La mise en place d’un « contrat de prévoyance responsable » à la fiscalité incitative, permettant le transfert des financements complémentaires sur les arrêts longs en contrepartie d’une indemnisation plafonnée à 90% du revenu net pour les arrêts courts (cette proposition entrant également dans le cadre d’un meilleur accompagnement des arrêts longs).
Focus sur le dispositif de diminution de l’absentéisme par un système de bonus/malus à l’entreprise
Parmi les propositions faites pour limiter les arrêts de courte durée dits « évitables », l’Assurance Maladie mentionne l’option de créer un dispositif incitatif de bonus/malus à l’intention de l’entreprise conditionné au taux d’absentéisme des salariés.
En effet, les entreprises sont encouragées depuis déjà plusieurs années à investir dans des démarches de Qualité de Vie et Conditions de Travail (QVTC) et de prévention santé, prenant la forme d’actions collectives de sensibilisation, d’un accompagnement personnalisé du salarié ou d’intervention de professionnels de santé et du social (médecins et infirmiers du travail, assistants sociaux, psychologues, ergonomes, etc.).
Cet investissement, visant à lutter contre l’absentéisme de courte durée, doit permettre :
· De maintenir un niveau satisfaisant de santé physique et mentale des salariés
· De lutter contre le désengagement des salariés et de favoriser la performance économique de l’entreprise
Les entreprises présentant un taux d’absentéisme dit « atypique[2] » seraient accompagnées par leur caisse primaire d’Assurance Maladie. En cas de diminution du taux d’absentéisme, un bonus serait versé à l’entreprise dans une logique de partage de gains ; en cas de statu quo, c’est un qui malus serait versé à l’entreprise.
Ce dispositif incitatif est inspiré de celui crée par l’article 74 de la LFSS pour 2010, qui prévoit un calcul du taux de cotisation Accidents du Travail/Maladies Professionnelles (AT/MP) des entreprises en fonction de leur sinistralité. Ce taux de cotisation dépend du nombre et de la gravité des accidents du travail et maladies professionnelles survenus au sein de l’entreprise et/ou au sein des entreprises de la même branche professionnelle (selon le nombre de salariés de l’entreprise). L’Assurance Maladie – Risques professionnels recalcule donc des taux cotisations pour chaque entreprise à partir d’une certaine taille selon la réalité de la sinistralité, incitant les entreprises à mettre en place des règles d’hygiène, de sécurité et des mesures de prévention des risques professionnels.
La transposition d’un tel dispositif pour le régime maladie, aujourd’hui envisagée par l’Assurance Maladie, serait un levier supplémentaire pour inciter les entreprises à limiter les arrêts de courte durée (grippe, douleurs liées au poste de travail, anxiété, etc.).
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- Le suivi des arrêts longue durée et la prévention de la désinsertion professionnelle
La durée moyenne des arrêts maladie s’est allongée à 21,5 jours en 2024 (pour 18,4 jours en 2022), entraînant une hausse potentielle du risque de désinsertion professionnelle. Ces propositions visent à remobiliser les assurés en arrêt, sur le plan social et professionnel.
- Le renforcement des dispositifs de Prévention de la Désinsertion Professionnelle (PDP), par une meilleure cohésion des intervenants (Assurance Maladie, Services de Prévention et de Santé au Travail (SPST), employeurs et autres acteurs de la remobilisation et de la compensation) et la mise en place d’un Système d’Information (SI) interopérable
- La répartition des ALD non exonérantes en deux catégories, ALD et non ALD
- Le développement des propositions de recours au mi-temps thérapeutique
- Le renforcement du service d’accompagnement de l’Assurance aux assurés en arrêts longs
- Le contrôle et la responsabilité des acteurs intervenant
Ces propositions ont été bâties pour renforcer les procédures de contrôle et les mesures déjà engagées par les acteurs du système, contre la fraude aux prestations sociales.
Pour les prescripteurs : Suivre un référentiel des pratiques de prescription
- L’encadrement de la durée d’un arrêt de travail, avec un plafonnement de durée de la primo-prescription à 1 mois en cas d’hospitalisation et à 15 jours en cas d’arrêt de travail décidé en ville ; et un plafonnement du renouvellement à 2 mois
- La mise en place de recommandations de durée d’arrêt de travail en fonction des motifs, au moyen :
- D’une liste déroulante des motifs à sélectionner entraînant une complétude automatique des dates d’arrêts (sur Amelipro ou le logiciel métier du prescripteur)
- De l’affichage d’une fenêtre pop-up lorsque la durée d’arrêt renseignée n’est pas conforme au motif (sur Amelipro ou le logiciel métier du prescripteur)
- D’un référentiel indicatif accessible via un QR code (sur le formulaire papier)
- La mise à disposition du prescripteur sur Amelipro d’un ensemble de documents destiné à faire évoluer ses pratiques de prescription :
- Un historique des arrêts de travail du patient, indiquant les dates et motifs d’arrêt
- Une alimentation progressive du Dossier Médical Partagé (DMP) avec les données d’arrêts de travail
- Une datavisualisation des pratiques de prescription sur un territoire ou un profil patient donné
- La possibilité de prescription d’un certificat de télétravail continu en cas de pathologie peu limitante ou de reprise progressive d’activité, dont les conditions seraient fixées à l’occasion d’une concertation entre les parties prenantes
Pour l’Assurance Maladie : S’associer davantage à l’accompagnement et au suivi des cas complexes d’arrêt de travail
- La généralisation de l’expérimentation SOS IJ qui a eu lieu entre janvier et mai 2025, visant à faciliter au prescripteur le recours à un interlocuteur de l’Assurance Maladie pour un cas patient complexe au prisme médical, social ou professionnel
- L’approfondissement de la coopération entre le service médical de l’Assurance Maladie et les médecins mandatés dans le cadre de contre-visites, dans le cadre d’une nouvelle expérimentation
Conclusion
Le Rapport Charges et Produits pour 2026 durcit le ton face aux problématiques que posent la couverture des arrêts de travail. En effet, le coût des IJ fait partie intégrante des soins de villes, premier poste de dépenses de l’Ondam, s’élevant à 113,2 milliards d’euros en 2025.
Sur les préconisations récentes d’un comité d’alerte indépendant, l’Assurance Maladie met sur la table des propositions fortes éprouvant l’efficience des dispositifs, la prévention et la maîtrise du risque et la responsabilisation des acteurs. Plusieurs de ces mesures, telles que le dispositif de bonus/malus et le transfert du financement des arrêts courts aux entreprises soulèvent une multitude de questions : à partir de quel seuil d’effectif le dispositif serait-il applicable ? quelles actions et quelle réactivité des CPAM vis-à-vis des médecins surprescripteurs ? Quels processus de coordination entre contrôles employeurs et services médicaux ? etc
L’Assurance Maladie opte pour approche intégrée, tant au niveau des leviers d’actions, que du séquencement des processus et de l’éventail d’acteurs engagés,
Les conditions de réussite opérationnelle de celle-ci reposeront notamment sur un dialogue motivé et soutenu entre les partenaires sociaux, les organismes de prévoyance complémentaire, les professionnels de santé et les employeurs. Le président du MEDEF, Patrick Martin, a par ailleurs dévoilé en conférence de presse le mercredi 9 juillet dernier, un arsenal de mesures visant à faire économiser 6,5 milliards d’euros au système de santé ; une partie d’entre elles vont dans le sens de la stratégie présentée par l’Assurance Maladie.
Marie Groell
Sources
- Assurance Maladie, « Présentation du rapport annuel « Charges et Produits pour 2026 », 24 juin 2025
- Assurance Maladie, « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses. Propositions de l’Assurance Maladie pour 2026 », Juillet 2025
- Les Echos, « L’Assurance Maladie dévoile un arsenal de mesures pour endiguer les arrêts de travail », 24 juin 2025
- Le Figaro, « Des experts pointent un « risques sérieux » de dérapage à plus de 1 milliard d’euros des dépenses de santé », 19 juin 2025
- L’Argus de l’Assurance, « Santé : Le MEDEF dévoile des mesures chocs pour redresser les comptes de la Sécurité sociale », 09 juillet 2025
[1] Certaines propositions constituent des options car elles n’ont pas fait l’objet d’un consensus avec le Conseil de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie, telles que celle visant à « renforcer le rôle des entreprises dans la limitation des arrêts de courte durée : créer un dispositif de bonus/malus lié aux taux d’absentéisme des salariés »
[2] Taux supérieur de 20% à 40% à la moyenne de leur secteur dans les travaux menés par la CNAM