Améliorer l’espérance de vie professionnelle en bonne santé : un intérêt majeur à agir pour les assureurs de personnes
< Actualités - Publié le 19 septembre 2023

Améliorer l’espérance de vie professionnelle en bonne santé : un intérêt majeur à agir pour les assureurs de personnes

Améliorer l’espérance de vie professionnelle en bonne santé : un intérêt majeur à agir pour les assureurs de personnes

 

Le constat

En France, le taux d’emploi des seniors est plus faible que dans d’autres pays d’Europe. Il était inférieur de 4,5 points en 2021 à celui de la moyenne de l’Union européenne (56,2 % vs 60,5 %) et de plus de 15 points à l’Allemagne.

Toute politique visant à repousser l’âge de liquidation de la retraite ne peut faire l’économie d’une réflexion et de mesures relatives à l’amélioration de l’état de santé des salariés de plus de 50 ans. En effet, leur état de santé ne permet pas toujours aux salariés de continuer à travailler jusqu’à l’âge de liquidation des droits à la retraite à taux plein. En 2021, près d’une personne sur trois entre 55 et 60 ans n’est ni en emploi ni à la retraite. Parmi elles, près d’un tiers perçoit une pension ou des allocations pour raison de santé (handicap, invalidité…). Or, tout laisse à penser que l’âge de liquidation des droits à taux plein va continuer à augmenter sous l’effet des réformes successives des retraites, ne faisant qu’accroître le phénomène si rien n’est entrepris pour améliorer la santé des salariés seniors. L’allongement de la durée de vie professionnelle est en effet dépendant de la capacité des personnes à prolonger leur activité professionnelle au-delà de 60 ans au regard de leur état de santé.

Le taux d’emploi des seniors doit augmenter, pour préserver l’équilibre des régimes de protection sociale obligatoires et complémentaires, qui, sinon, feront face à de graves déséquilibres et coûteront de plus en plus cher. Il doit également augmenter du fait de la pénurie de main d’oeuvre disponible dans certaines activités économiques, parfois stratégiques. C’est pourquoi les entreprises, les branches professionnelles et les assureurs prévoyance ont des intérêts convergents à coopérer pour augmenter le taux d’emploi des seniors.

L’enjeu est donc bien celui d’une amélioration de « l’espérance de vie professionnelle en bonne santé des actifs ».

 

Nous définissons l’espérance de vie professionnelle en bonne santé, par analogie avec l’espérance de vie sans incapacité [ou en bonne santé], comme un indicateur visant à évaluer le nombre d’années qu’une personne peut compter travailler sans que son état de santé n’impacte sa vie professionnelle au point d’être confronté à des difficultés, voire à l’incapacité, d’effectuer certaines tâches de la vie professionnelle et d’occuper son poste.

 

Le faible taux d’emploi des seniors en France est dû en partie à des problèmes de santé

Selon l’INSEE, en 2021, l’espérance de vie sans incapacité à la naissance se situe à 67 ans pour les femmes et 65,6 ans pour les hommes. La question de l’espérance de vie professionnelle en bonne santé se pose. En effet, les récentes réformes des retraites tendent à faire converger l’âge légal de départ à la retraite avec celui de l’espérance de vie en bonne santé. Elles ont contribué à augmenter le taux d’emploi des 55-64 ans de 32 % à 56,2 % entre 2014 et 2021. Mais dans le même temps, la part d’inactifs non retraités augmente, passant de 15 % à 25 % entre 55 et 60 ans. Elle augmente ainsi jusqu’à 61 ans puis diminue avec le passage à la retraite. Parmi eux se trouvent des personnes en incapacité de travailler pour une cause médicale, en maladie ou en invalidité.

Plusieurs études ont mis en évidence un effet de sélection de la santé sur le statut socio-économique des personnes. Ainsi, l’enquête SIP de 2010 montre que les personnes qui sortent de l’emploi avant 60 ans ont été confrontées à plus de pénibilité. Par ailleurs, l’INSEE a mis en évidence qu’en 2020, 5,2 % des plus de 50 ans ont subi une rupture de contrat pour invalidité (contre 2,8 % pour les 25-49 ans).

Pour la Cour des comptes, l’augmentation des dépenses d’invalidité a été́ portée pour l’essentiel par le recul de

l’âge légal de la retraite de 60 à̀ 62 ans. Selon la DREES, il aurait entraîné à lui seul, un surcroît de dépenses de 1,2 à 1,5 Md€ et une hausse des effectifs de pensionnés de 20 à 25 % dans les régimes de salariés et d’indépendants. Elle souligne les deux effets collatéraux de l’allongement de la durée de cotisation : d’un côté, la durée de versement des pensions d’invalidité s’est allongée, qui, en l’absence de réforme, seraient parties plus tôt à̀ la retraite ; d’autre part, le flux annuel de mises en invalidité a augmenté (82 600 en 2018 contre 73 000 en 2011).

 

L’enjeu économique et social du maintien en emploi des seniors

L’une des conditions de l’efficacité des réformes sur la durée du travail tient donc à la possibilité pour les salariés

de se maintenir en emploi. Il est nécessaire de préserver voire d’améliorer leur état de santé pour leur permettre de continuer à occuper leur poste ou à conserver un emploi sur un autre poste plus adapté. À défaut, l’allongement de la durée du travail envisagé par les pouvoirs publics pour améliorer l’équilibre de l’assurance retraite risque de se traduire par un accroissement des revenus de remplacement dans les régimes santé et prévoyance et menacer l’équilibre des organismes de protection sociale de base et complémentaires. La hausse de la sinistralité pour maladie et invalidité pourrait même conduire certaines entreprises à ne plus pouvoir s’assurer.

Bien que largement méconnue, l’assurance invalidité tient une place importante dans la protection sociale. En 2017, près de 820 000 assurés, majoritairement âgés et à l’état de santé́ fragile, bénéficiaient d’une pension d’invalidité. Pour cette même année, les dépenses de prestations d’invalidité ont dépassé 10 Md€, dont 7,4 Md€ au titre des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et le solde versé par les assurances complémentaires privées. Les indemnités journalières versées par les régimes de prévoyance aux personnes en arrêt de travail de longue durée avant leur mise en invalidité s’ajoutent aux montants ci-dessus. Doivent légalement être comptabilisées les indemnités et pensions versées par la branche AT-MP aux seniors au titre des incapacités temporaires ou permanentes à la suite d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.

 

L’identification d’axes prioritaires d’action pour améliorer l’espérance de vie professionnelle en bonne santé

Lorsque l’on considère les pathologies à l’origine des invalidités et qui impactent en priorité l’espérance de vie professionnelle en bonne santé, on identifie les domaines sur lesquels concentrer l’action concernée : troubles de la santé mentale (25,8 % en 2018), maladies du système ostéoarticulaire (29,6 %) et tumeurs malignes (11,9 %).

Pour répondre au nombre et à la complexité des causes et facteurs de risque, l’implication des assureurs de personnes ne sera pas de trop, bien que nombre d’actions soient de la responsabilité des autorités de santé.

Ces dernières peuvent ainsi intervenir aux côtés des entreprises pour les aider à réduire les risques directement liés au travail. Qu’il s’agisse des troubles musculosquelettiques, de certains cancers (4 à 8 % des cancers  seraient dus à des conditions professionnelles), et même de souffrances psychologiques que les conditions de travail contribuent dans certains cas à déclencher ou accroître, des mesures d’organisation du travail ou de formation des salariés peuvent être proposées ou soutenues par les assureurs santé ou prévoyance aux entreprises.

Les assureurs santé et prévoyance sont également légitimes à accompagner leurs assurés, salariés des entreprises adhérentes, à modifier certains facteurs de risque de santé. Consommation d’alcool ou de tabac, sédentarité ou surpoids sont impliqués dans ces pathologies : des actions de sensibilisation et accompagnements peuvent être proposées sur le lieu de travail ou en dehors de l’entreprise. C’est le cas également des actions de dépistage du cancer, par exemple, proposées et prises en charge par le système de santé, mais dont on connaît l’insuffisant recours par la population (dépistage du cancer colorectal, du col de l’utérus ou du sein). Là encore, il est possible de contribuer à renforcer le recours à la prévention.

 

Nos propositions d’amélioration

Partenaires naturels des branches professionnelles et des entreprises, engagés en faveur de la prévention des risques de santé, les assureurs complémentaires ont un intérêt à agir et sont bien positionnés pour contribuer à cet enjeu social et économique, en proposant des moyens d’action aux entreprises et branches professionnelles qu’ils assurent. Certaines mesures ont déjà été prises dans d’autres pays européens, à l’image de l’Allemagne, où les secteurs industriels ont mis en place, à travers des conventions collectives, des mesures d’adaptation du travail au vieillissement et de promotion de la santé des salariés. Au Danemark, à la suite de l’accord sur le bien-être de 2006, un fonds de prévention a été créé. Il accorde une aide financière aux entreprises qui sont intéressées par des mesures novatrices pour réduire l’usure au travail. Enfin, aux Pays-Bas, la loi sur le travail flexible permet aux employés d’augmenter ou de diminuer temporairement ou de manière permanente le nombre d’heures de travail contractuel et d’organiser leur horaire de travail différemment, ce qui peut permettre de s’adapter à des contraintes personnelles en particulier liées à la santé.

En France, la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, entrée en vigueur le 31 mars 2022, traduit l’attention nécessaire à porter à cet enjeu important et mobilise les entreprises. Aux côtés des entreprises, les assureurs de personnes peuvent prendre leur part à l’amélioration de l’espérance de vie professionnelle en bonne santé. À cette fin, plusieurs actions mériteraient d’être engagées, certaines relevant de leur stratégie propre et de leur besoin différenciation, d’autres qu’il serait utile de mener collectivement.

 


NOS PROPOSITIONS

Les actions qui mériteraient d’être engagées collectivement par les assureurs complémentaires :

PROPOSITION 01

Se doter d’un Observatoire des situations et motifs d’inactivité pour cause médicale des salariés de 55 ans et plus, en se donnant les moyens de rapprocher les données de la DSN qui comportent les informations relatives aux arrêts de travail, des données du SNDS, qui comportent les données relatives aux diagnostics médicaux. La création de cet Observatoire permettrait de mieux comprendre les causes de désinsertion professionnelle liées à des problèmes de santé qui font l’objet de peu voire d’aucune publication récente.

 PROPOSITION 02

Étudier la possibilité d’étendre le cadre juridique et légal permettant de constituer des fonds dédiés au financement d’actions de prévention de risques de santé au sein des régimes de prévoyance au niveau des branches professionnelles ou des grandes entreprises. L’objectif est de consolider, favoriser la mise en oeuvre et prolonger les dispositifs liés au haut degré de solidarité (HDS) des accords de branche, mis en place à la suite de la réforme de la généralisation de la complémentaire santé en entreprise et qui prévoit le financement de prestations solidaires que les salariés n’ont pas à financer. En effet, ces actions visant à infléchir la sinistralité en arrêt de travail et invalidité, les prestations de prévention correspondantes doivent être prises en charge par les contrats prévoyance et non par l’assurance santé. Ce cadre juridique et financier constitue un prérequis pour donner aux assureurs les moyens d’agir en faveur de l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé et de financer des actions pertinentes.

 PROPOSITION 03

De façon alternative, définir le cadre juridique, contractuel et technique permettant d’inclure ces prestations de prévention dans les tableaux de garanties des contrats d’assurance prévoyance et de les comptabiliser au titre des risques assurables malgré l’absence d’aléas et non plus dans les frais de gestion des assureurs santé pour garantir leur visibilité. Ces prestations pourraient légitimement constituer des garanties accessoires aux garanties principales d’indemnisation des arrêts de travail, des invalidités et incapacités permanentes.

 PROPOSITION 04

Définir les conditions d’une extension des services de tiers-payant aux garanties de prévention incluses dans les contrats de prévoyance décès-incapacité/invalidité. Aujourd’hui, les mécanismes en place pour le contrôle des droits des assurés et de leur éligibilité à la couverture d’une garantie n’existent que sur les prestations d’assurance frais de santé. Cette action doit permettre aux professionnels de santé impliqués dans la mise en

oeuvre de ces actions de prévention d’être payés directement par les assureurs prévoyance et de dispenser

leurs patients assurés du paiement des prestations de soins et de prévention délivrées.

Les actions qui devraient logiquement relever de la stratégie propre et de l’objectif de différenciation de chaque assureur de personnes

Il est important de mettre les enjeux du vieillissement au coeur des politiques de prévention et de santé au travail, dès le début de la carrière, pour limiter l’usure professionnelle et limiter la vulnérabilité des salariés. L’amélioration de la santé des salariés repose sur deux dimensions. D’un côté la réduction de la pénibilité au travail et de l’autre la prévention des risques de santé.

Pour agir efficacement en faveur de l’augmentation de l’espérance de vie professionnelle en bonne santé, chaque assureur doit pouvoir définir des actions sur ces deux dimensions. Idéalement, les assureurs pourraient privilégier les modèles d’actions ayant d’ores et déjà fait la preuve de leur valeur (POV) ou ayant été évalués au plan médico-économique. Parmi elles, il est notamment possible de citer les programmes suivants :

  • Vigisanté, mis en oeuvre par Malakoff Humanis et Klésia, pour son volet de dépistage des risques cardiovasculaires en entreprise. Celui-ci a démontré sa valeur pour dépister des salariés éloignés des soins, qui méconnaissaient leurs facteurs de risque et les orienter vers une prise en charge de droit commun dans le cadre du parcours de soins ;
  • Vivoptim, mis en oeuvre par MGEN, programme d’évaluation de la santé et de prévention personnalisée déployé auprès d’un portefeuille de 2,5 M d’assurés qui a également été évalué ;
  • « Bien avec mon dos », programme de prévention de la chronicisation de la lombalgie mis en oeuvre par Santéclair et Allianz, mené auprès des entreprises volontaires de la branche de la répartition pharmaceutique et dont les résultats sont probants ;
  • Les consultations de prévention des risques de santé spécifiques aux branches professionnelles, telles que la consultation conçue par Carcept-Klésia avec la CSMF pour les salariés de la branche du Transport routier ou les actions de prévention de la santé bucco-dentaire, des allergies respiratoires, du risque diabétique ou encore de l’hypertension artérielle par AG2R La Mondiale pour la branche de la Boulangerie artisanale.

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