2019, année de la réforme en profondeur de la santé en France ?
< Actualités - Publié le 8 mars 2019

2019, année de la réforme en profondeur de la santé en France ?

Alors que le projet de loi « Ma Santé 2022 » vient d’être présenté en Conseil des ministres, avec à la clé 9 grands chantiers pour transformer durablement notre système de santé, le rapport présenté par Jean-Marc Aubert, directeur de la DREES, propose de faire évoluer en profondeur les modes de financement et de régulation des soins [1].

« Pour améliorer durablement notre système de santé et son niveau de performance, de nouvelles synergies doivent prendre forme entre tous les professionnels … ; le modèle de financement doit être revu et les formations, mieux prendre en compte les impératifs de coopération entre les métiers et ceux de la qualité des soins ». Ce préambule au lancement du grand chantier sur la santé qu’a souhaité ouvrir en septembre dernier Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, résume et campe parfaitement les défis que devront relever les acteurs de notre système de santé.

En tête du calendrier des actions prioritaires à venir, la création, d’ici à 2022, de 200 projets de Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) qui mailleront le territoire et visent à faire entrer une majorité de professionnels de ville dans l’exercice coordonné [2]. Leur mise en place passera par des négociations entre les professionnels de santé et l’Assurance-maladie, négociations qui ont donc commencé le 16 janvier dernier. La deuxième priorité de la loi Ma Santé 2022 concerne le recrutement et le déploiement de 400 médecins généralistes dans les territoires prioritaires, qui doit démarrer entre les mois de juin et novembre de cette année. En parallèle, des postes d’assistants médicaux vont être créés pour dégager du temps pour les médecins, en particulier pour soutenir les zones à faible densité médicale marquées par le départ des praticiens à la retraite et leur non remplacement. À terme, le désengorgement des hôpitaux est ici visé. Les CPTS assumeront un certain nombre de missions, dont les « urgences de ville » – avec des consultations de patients sans rendez-vous assurées de 8 heures à 20 heures –, pour décharger les urgences hospitalières qui devront se concentrer sur les situations vitales.

 

 

La feuille de route est fixée

Ces trois chapitres de la réforme doivent conduire à un reengineering de la profession résolument orienté vers l’exercice collectif de la médecine. Pour la ministre de la Santé, « l’exercice isolé – c’est-à-dire d’un professionnel de santé seul dans son cabinet – doit devenir l’exception à l’horizon 2022 », elle souhaite que « les soins de proximité s’organisent au sein de structures d’exercice coordonné comme les maisons ou les centres de santé, dans le cadre des CPTS. » Reste que pour l’heure notre pays ne compte, selon l’observatoire de la DGOS, que 1 160 maisons de santé pluriprofessionnelles, regroupant en moyenne 17 professionnels de santé, dont 5 médecins et 9 paramédicaux. Avec environ 5 800 médecins généralistes impliqués au sein des maisons ou pôle de santé sur 62 000 généralistes libéraux exclusifs en exercice et environ 7500 médecins salariés dans des centres de santé, l’objectif fixé par Mme Buzyn ne semble guère réalisable à l’horizon que la ministre s’est fixé.

Le coup d’envoi au déploiement de « Ma Santé 2022 », donné le 19 novembre dernier, a donc sa feuille de route clairement établie pour 2019. Elle concerne également le monde hospitalier, pour lequel la réforme envisage de « renforcer le management dans ses différentes composantes et ouvrir de nouveaux parcours professionnels et de nouvelles conditions d’exercice aux soignants. »

 

Une task force pour réformer les financements

Dans l’attente de la concrétisation de ces objectifs, une autre commande a été passée par la ministre de la Santé « pour impulser et accompagner ces évolutions structurantes ». Elle a donné lieu à un rapport présenté par le directeur de la DREES, en janvier dernier dans la droite ligne de l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, en vue de faire la place à des expérimentations en matière de financement. La ministre devrait s’inspirer du rapport pour donner en mars ses orientations sur la définition du « schéma cible du financement du système de santé », en vue d’une inscription dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 ou de l’ouverture de négociations conventionnelles entre médecins et Assurance-maladie.

 

Une évolution progressive des modes de financement

« La transformation du financement apparaît donc nécessaire pour inciter davantage les acteurs à développer la prévention, s’assurer d’un standard élevé de qualité, rechercher une plus grande pertinence des soins et prendre le temps d’une meilleure coordination », souligne Jean-Marc Aubert en introduction à son rapport. Le rapport préconise ainsi une évolution progressive des modes de financement au cours des trois prochaines années, ainsi que des mesures immédiates pour 2019.
Deux modes de financement, de la ville et de l’hôpital, sont analysés : le paiement à l’activité et celui attaché à certaines missions (forfait ou dotation). Le rapport analyse par le menu la part dévolue à chacun de ces modes de rémunération selon les offreurs de soins : la médecine de ville et les secteurs MCO publics et privés fonctionnent majoritairement à l’activité ; les secteurs psychiatrie et SSR sont partagés entre les 2 modes. A l’hôpital, la part de la tarification à l’activité domine largement (de 49 % dans les ESPIC à 67 % dans le privé commercial, et de 58 % dans les EPS). Pour les deux secteurs, les modes de financement ne sont pas favorables à la coordination et à la prévention, souligne le rapport Aubert, qui préconise un scénario de rupture, avec une organisation de soins qui s’appuie sur un réseau de soins de proximité structuré dont l’activité se coordonne avec des établissements de soins recentrés sur leurs missions de recours et d’expertise. Sa recommandation sera ainsi « à l’image de ce qui existe dans de nombreux pays, de mettre en place une tarification mixte pour l’ensemble des producteurs de soins, complétée par un système de régulation microéconomique et macroéconomique. »

 

Combinaison de modes de rémunération

Le rapport propose ainsi de combiner, en ville, la tarification à l’acte ou à l’activité avec d’autres modes de rémunération plus forfaitaires. En médecine générale, la part de la rémunération à l’acte est encore de 80 %, alors que cette proportion atteint au maximum 50% dans les autres grands pays. En parallèle, la tarification à la qualité – mesurée sous forme de résultat, tel que c’est le cas avec la Rémunération sur Objectif de Santé Publique ou ROSP – devra être généralisée. Les soins de ville devront être restructurés « pour engager la réorientation des pratiques et l’amélioration du suivi des patients chroniques et réduire les hospitalisations ». Enfin, l’évolution des modes de tarifications sera complétée par une revue des nomenclatures et des procédures. Il va de soi que le maintien des procédures de négociations conventionnelles constitue le levier indispensable au succès d’une telle entreprise, d’autant que les syndicats médicaux, qui font du paiement à l’acte l’alfa et l’oméga de leur pratique, devront encore être convaincus du bien fondé d’une telle révolution dans les modes de rémunération.

« Le forfait ou le paiement à la séquence de soins en complément du paiement à l’acte ou à l’activité constitue une reconnaissance de la nécessité du suivi au long cours des patients et de la transformation de l’offre de soins. Ils pourront être un levier important pour l’évolution des pratiques » selon la ministre de la Santé. En toile de fond de ces importantes réformes dans le champ de la santé figure un chiffre : les 200 milliards d’euros que notre pays consacre à la dépense publique pour la santé. De nouveaux gisements d’économies sont-ils possibles ? Economies qui seraient dégagées grâce à des changements structurels profonds. C’est bien le pari qu’à voulu faire le gouvernement. Pour l’heure, des expérimentations se mettent en place. Rendez-vous en fin 2019 pour constater si l’essai peut être transformé.

 

[1]Stratégie de transformation du système de santé, Rapport final, Mode de financement et de régulation”, Jean-Marc Aubert, janvier 2019.

[2] cf. https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/acces-territorial-aux-soins/article/communautes-professionnelles-territoriales-de-sante-se-mobiliser-pour-organiser

 

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