Bien-vieillir, une Proposition de Loi qui invite le gouvernement à passer à l’action
< Actualités - Publié le 19 juillet 2023

Bien-vieillir, une Proposition de Loi qui invite le gouvernement à passer à l’action

Bien-vieillir, une Proposition de Loi qui invite le gouvernement à passer à l’action

 

Proposition de loi n°643 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France[1]

Alors que l’espérance de vie augmente continuellement depuis la fin de la seconde guerre mondiale, atteignant 85,6 ans pour les femmes et de 79,4 ans pour les hommes, l’espérance de vie bonne santé[2] des Français était restée stable sur les dix dernières années à 64,1 ans pour les femmes et de 62,7 ans pour les hommes en 2016, selon DREES[3]. Sous l’effet du vieillissement de la population, l’INSEE[4], estimait en 2019 qu’il y aura 4 millions de séniors en perte d’autonomie d’ici à 2050.

Face à ce constat, ce gouvernement comme les précédents, a promis des réformes permettant à la société française de prendre la mesure de la question du vieillissement et de son corollaire, l’augmentation de la perte d’autonomie, au sein de la population. Si depuis une dizaine d’années, différentes mesures ont pu être adoptées (congé « proche aidant », droit au répit, création d’une cinquième branche du régime de la Sécurité Sociale pour la plus récente), une grande loi – sur le modèle de la loi handicap de 2005 -, est toujours attendue par les acteurs en prise avec cette réalité.

Pour répondre à ces attentes, différents parlementaires se saisissent régulièrement du sujet à travers des rapports parlementaires ou des propositions de loi.

Parmi ces différentes initiatives, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France. Déposée le 15 décembre 2022 par 16 députés de la majorité, inscrite, cette proposition de loi avait été examinée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale entre le 3 et le 5 avril dernier, et avait commencé à être discutée en séance publique entre le 11 et le 13 avril 2023 avant que cet examen ait été interrompu. L’examen avait donné lieu à de nombreuses discussions et amendements gouvernementaux. Le texte doit être réexaminé à une date ultérieure.

 

1. Aperçu général et positionnement de la PPL

Au-delà des différentes mesures concrètes proposées par ce texte (décrites ci-après), force est de constater que ce texte vise surtout à pousser le Gouvernement à passer à l’action. La meilleure preuve en est le nombre très important de rapports du Gouvernement au Parlement rendus obligatoires par la loi sur les différents sujets clés identifiés par les Parlementaires.

 

Pas moins de 9 rapports seraient ainsi créés.

A remettre dans un délai de 6 mois après la promulgation de la loi :

  • Rapport sur la trajectoire financière de la branche autonomie jusqu’en 2030 au regard des évolutions de la démographie et des besoins (Article 2 ter – adopté)
  • Rapport sur les modalités d’augmentation des indemnités du barème kilométrique à hauteur de 0,45 euros par kilomètre pour les professionnels de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile (Article 7 bis)
  • Rapport évaluant l’organisation et les modalités de financement de l’offre de soutien à domicile (Article 8)
  • Rapport établissant le bilan de la mise en œuvre de l’aide sociale à l’hébergement (évaluation notamment l’opportunité de relever le seuil de recouvrement sur la succession des bénéficiaires) (Article 10).
  • Rapport sur l’opportunité de créer un taux d’encadrement dans les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale (Article 11 quinquies)
  • Rapport établissant un cadre juridique et financier pour l’hébergement mixte, évaluant le coût du financement des projets, notamment le coût réel des professionnels qui interviennent dans ces hébergements. (Article 13 quater)

A remettre dans un délai d’un an :

  • Rapport évaluant le recours aux mesures de contention physique et médicamenteuse dans les établissements médico-sociaux (Article 5 ter adopté)
  • Rapport annuel évaluant l’activité de la Conférence nationale de l’autonomie et du Centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques (Article 1 – adopté)

A remettre dans un délai de 18 mois :

  • Rapport évaluant les actions de lutte contre l’isolement social menées, leurs résultats et le profil des publics accompagnés, à remettre dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi (Article 2 bis – adopté)

 

2. Aperçu des différentes dispositions 

Cette proposition de loi repose sur trois piliers :

 

Axe 1 – Renforcer le pilotage de la prévention de la perte d’autonomie et lutter contre l’isolement social :

Deux principales dispositions ont été adoptées en avril 2023 :

  • La création d’une Conférence nationale de l’autonomie. Cette conférence nationale assurera le pilotage et l’articulation de la politique relative à la prévention. Elle définira également les axes stratégiques déclinés à l’échelle territoriale par les conférences des financeurs, ce qui correspond à l’une des propositions du rapport de Dominique Libault de 2019. Elle s’appuie notamment sur les compétences d’un centre de ressources probantes intégré à la CNSA pour évaluer et labelliser équipements et aides techniques individuelles.
  • Un accès facilité des services sociaux et sanitaires aux données facilitant le repérage les personnes âgées ou en situation de handicap qui sont isolés pour lutter contre l’isolement.

« Bien vieillir en France, c’est vivre plus longtemps en meilleure santé, grâce à une politique de prévention efficace et accessible à tous ».

 

Axe 2 – Lutter contre la maltraitance des personnes âgées :

Trois principales dispositions ont déjà été adoptées en avril 2023 :

  • La promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance deviennent une mission de l’action sociale. Instauration d’un droit de visite pour les proches, rôle de la personne de confiance, notamment
  • La mise en place d’une instance territoriale dans chaque département pour recueillir, traiter, évaluer les alertes relatives aux personnes majeures en situation de vulnérabilité. Cette instance serait composée du président du conseil départemental, le représentent de l’Etat dans les départements, de représentent le l’ARS et des partenaires institutionnels ou associatifs concernés. Elle devrait réaliser des enquêtes pluridisciplinaires et de signalement des situations de maltraitance déclarées dans le département.
  • Le renforcement des missions des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Les mandataires doivent garantir les libertés fondamentales des personnes protégées, promouvoir leurs autonomies et leurs aptitudes à prendre des décisions. Ils devront, par ailleurs, informer le juge des tutelles et l’autorité administrative compétente de « tout dysfonctionnement ou évènement grave portant atteinte aux droits des personnes protégées, à leur santé, leur sécurité ». Ils devront tout mettre en œuvre pour remédier à des cas de maltraitance et en informer le procureur de la République.

« Bien vieillir en France, c’est aussi pouvoir exercer son libre arbitre, être un citoyen à part entière en jouissant pleinement de ses droits, même en situation de perte d’autonomie, grâce notamment à une lutte contre les maltraitances. »

 

Axe 3 – Garantir un hébergement : virage de la prise en charge à domicile :

Le dernier pilier de cette proposition de loi porte sur le logement et l’hébergement des personnes âgées, en réponse au souhait de plus de 80% des Français de vieillir à leur domicile, comme le rappelle encore une récente enquête d’IFOP[5].

Une première série de mesures vise à soutenir la prise en charge à domicile pour faire en sorte que les personnes âgées restent le plus longtemps à leur domicile.

  • Expérimentation de l’octroi d’une carte professionnelle aux acteurs de l’aide à domicile pour mieux reconnaitre leurs qualifications et faciliter leur travail.

(Les dispositions suivantes n’ont pas encore fait l’objet d’une adoption par l’Assemblée nationale en première lecture)

  • Extension de la capacité d’intervention de la CNSA pour apporter un appui financier aux départements pour faciliter la mobilité des acteurs du soutien à domicile
  • Réalisation d’un rapport évaluant l’organisation et les modalités de financement de l’offre de soutien à domicile. Il constituera une basse de réflexion pour une future réforme de ce secteur visant une plus grande équité de traitement des professionnels et une lisibilité renforcée pour les bénéficiaires et leurs familles.

Une autre série de mesures se préoccupe d’améliorer la prise en charge des séniors en institution (ce qui concerne 1 une personne sur 12 vie après 75 ans[6]).

  • Réflexion ouverte sur la charge financière de l’hébergement en établissement pour les familles : d’ores et déjà, suppression de l’obligation alimentaire pour les petits enfants pour préserver le lien privilégié d’affection et de transmission. Cette disposition est justifiée par le souci d’harmoniser les pratiques sur l’ensemble du territoire, certains départements n’appliquent déjà plus ce droit. Pour aller plus loin, les Parlementaires demandent un bilan relatif à la mise en œuvre des aides sociales pour l’hébergement, afin d’évaluer l’opportunité de relever le seuil de recouvrement sur la succession des bénéficiaires.
  • Possibilité de mobiliser le forfait soins des EHPAD pour financer des actions de prévention (ex. sport-santé).
  • Renforcement du positionnement et du rôle du médecin coordonnateur, qui assurerait désormais l’encadrement de l’équipe soignante de l’établissement et le suivi médical des résidents pour lesquels il pourrait réaliser des prescriptions médicales
  • Amélioration de la qualité de la prise en charge grâce au renforcement des évaluations des ESMS (accréditation des évaluateurs) et application d’un principe de transparence des résultats de l’évaluation des EHPAD afin de mieux éclairer les familles dans leur choix. Il en est également attendu une plus grande attractivité des métiers dans les établissements du fait de l’amélioration de la qualité qui en découlera.
  • Promotion de l’habitat inclusif en prévoyant son entrée dans le code de la construction et de l’habitat en miroir des dispositions du code de l’action sociale et des familles

 

« Bien vieillir en France, c’est enfin garantir à chacun un hébergement ainsi que des prestations de qualité et accessible, grâce à des professionnels accompagnés et soutenus dans leur pratique. »

Mathilde Fouéré


 

[1] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0643_proposition-loi

[2] Espérance de vie en bonne santé : espérance de vie sans souffrir d’incapacité dans la réalisation des activités quotidiennes.

[3]https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-09/er_1046_-_esperance_de_vie.pdf

[4] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4196949

[5] https://www.ifop.com/publication/85-des-francais-interroges-souhaitent-vieillir-a-domicile/

[6] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-08/er_988.pdf

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