Digital Health Applications (DiGA) en Allemagne et Digital Therapeutics (DTx) en France : quelles voies d’accès au marché ?
< Actualités - Publié le 19 février 2024

Digital Health Applications (DiGA) en Allemagne et Digital Therapeutics (DTx) en France : quelles voies d’accès au marché ?

Avec l’essor du numérique dans le domaine de la santé, les thérapies digitales (Digital Therapeutics – DTx) gagnent en importance et bouleversent notre approche traditionnelle des soins. Malgré la diversité des usages et des fonctionnements des thérapies numériques (DTx), celles-ci semblent pourtant converger vers l’amélioration de la prise en charge des patients.

A quoi servent les DTx ?

  • Dans la grande majorité des cas, ces thérapies numériques visent à réassurer, autonomiser, motiver et soutenir le patient dans la prise en charge de sa pathologie. Ces thérapies peuvent être vue comme un moyen de personnaliser les prises en charge et le suivi à domicile.
  • Elles peuvent également venir compléter les outils des professionnels en facilitant et en renforçant la réactivité et la capacité à intervenir au bon moment.
  • Enfin, elles peuvent permettre de réduire certaines inégalités d’accès aux soins, notamment en apportant une première réponse aux problématiques liées à la démographie médicale et paramédicale.

Dans cette logique, et, au même titre que les dispositifs médicaux, certaines thérapies numériques peuvent aujourd’hui être prescrites par les professionnels de santé et sont parfois remboursées par les organismes d’assurance maladie, selon les acteurs impliqués et les pays considérés.

Dans ce décryptage nous vous proposons de revenir sur l’évolution du cadre règlementaire en Europe, en s’appuyant notamment sur celui de l’Allemagne.

 

Le modèle Allemand, précurseur dans le remboursement des DTx

Le remboursement des DTx en Allemagne

En Allemagne, les DTx sont définies comme étant des applications ou des programmes utilisés pour détecter, surveiller, traiter, compenser ou soulager des maladies, des blessures ou des handicaps.

→ Lancée en 2019, le programme Digital Health Applications (DiGA) a permis d’intégrer des applications numériques de santé dans le catalogue de prestations remboursables par l’assurance maladie (GKV-Spitzenverband).

→ Ce dispositif a marqué un tournant dans le développement des soins de santé numériques[1] puisqu’il permet aujourd’hui aux médecins allemands de prescrire des applications numériques évaluées et remboursées pour leur bénéfice clinique.

→ Depuis septembre 2020, 55 DiGA, au total, ont été inscrites dans la liste, dont six ont été retirées au cours de leur expérimentation. En septembre 2023, 49 DiGA sont ainsi inscrites au catalogue.

→ La majorité des DiGA actuellement répertoriées adresse des indications dans le domaine des maladies psychiques (pour 53%), des maladies du système nerveux (pour 11%), et des maladies du système musculosquelettique (pour 11%).

 

Les modalités d’inscription au répertoire des DiGA

Les entreprises souhaitant inscrire leur solution dans ce dispositif doivent déposer un dossier au BfArM (agence du médicament allemande) et répondre aux critères suivants :

  • Obtenir un marquage CE : les solutions s’inscrivent dans la classe des dispositifs médicaux de classe I ou II
  • Démontrer un avantage clinique et/ou structurel
  • Valider la procédure de contrôles de l’Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux (ou être inscrit dans une démarche d’évaluation clinique en cours)

Deux parcours d’accès au marché sont aujourd’hui formalisés, l’un pour une inscription provisoire et l’autre pour une inscription permanente.

Pour une inscription permanente à la nomenclature des actes remboursables, le fabriquant doit directement négocier les prix avec les acteurs de l’assurance maladie. Et, si, au moment de la demande, le fabricant ne peut pas prouver les avantages à l’aide d’études, une admission temporaire à des fins d’essai est également envisageable. Dans ce cas, la démonstration de l’effet positif sur les soins doit être apportée dans un délai de douze mois. En l’absence de preuve, la DiGA sera retirée de la liste.[2]

 

En 2024 plusieurs changements sont attendus au niveau législatif.

  • Des mesures visant à renforcer et à étendre la couverture DiGA ont été présentés en 2023 dans lesquelles il était notamment prévu d’étendre l’inscription sur la liste des DiGA remboursées les dispositifs médicaux de classes de risque plus élevées.
  • L’évolution des modalités de contrôles et de rémunération sont en cours de discussion. Elles ont pour but de renforcer différents axes : apport de preuves d’efficacité des solutions proposées, évaluation de la balance avantages/risques par rapport aux thérapies « classiques », pertinence de l’utilisation de l’application numérique pour les patients (adhésion thérapeutique), etc.

 

Le modèle Français, où en est-on ?

En France, le dispositif PECAN (prise en charge anticipée numérique) prévu par l’article 58 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 s’est largement inspiré du modèle allemand.

La PECAN est une voie d’accès innovante au marché, destinée aux solutions de télésurveillance et aux dispositifs médicaux numériques à visée thérapeutique. Elle prévoit un remboursement anticipé, temporaire et transitoire des DTx par l’Assurance Maladie obligatoire.[3]

Cette phase anticipée permet à l’exploitant de finaliser la démonstration du bénéfice clinique et/ou organisationnel tout en étant déjà remboursé.

Le décret du 31 mars 2023 précise les modalités d’application et permet aux exploitants de solutions matures de déposer leur candidature. Les entreprises souhaitant déposer leur candidature doivent avoir la capacité de fournir les données nécessaires à l’évaluation du dispositif médical auprès de la HAS. La solution proposée doit notamment obtenir son marquage CE, être conforme aux exigences d’interopérabilité et de sécurité et être innovante (apport des preuves : bénéfice clinique et progrès dans l’organisation des soins).

La PECAN est également conditionnée à une demande d’inscription à la liste des produits et prestations remboursables par l’Assurance Maladie (LPPR).

Lorsque la solution obtient la PECAN, un arrêté vient définir les indications, les conditions particulières à la prise en charge ainsi que la base forfaitaire associée, et ceci pour une durée d’un an non renouvelable.

La fin de plein droit prend lieu sans nécessiter la publication d’un arrêté avec en finalité soit l’inscription en droit commun ou l’expiration du délai de 1 an. Cette inscription dans le droit commun peut s’opérer soit via la LATM (nomenclature des activités de télésurveillance prises en charge), si la solution est une activité de télésurveillance (en ligne générique ou en nom de marque), soit la solution est un DM numérique thérapeutique auquel cas l’inscription sera demandée sur la liste des produits et des prestations (LPP)​ en nom de marque.

A date, la solution Cureety Techcare (solution de télésurveillance médicale) est la seule prise en charge anticipée numérique existante.[4] En revanche, plusieurs solutions de télésurveillance ont été intégrées en ligne générique à la LATM (activités couvertes par le programme ETAPES) ou en nom de marque. C’est le cas de Resilience qui a reçu le 24 octobre l’avis favorable de la Haute Autorité de Santé pour l’inscription en nom de marque de sa solution de suivi des patients en oncologie sur la Liste des Activités de Télésurveillance Médicale.

 

L’intégration des DTx, un enjeu d’harmonisation règlementaire

→ L’évolution des voies d’accès au marché pour les DTx en Europe offre une vraie opportunité pour améliorer l’accessibilité des patients à ces thérapies innovantes. Cependant, cette dynamique positive s’accompagne de défis majeurs, notamment la nécessité de définir des normes internationales et d’instaurer des standards harmonisés.

→ La multiplicité des classifications et des exigences en matière d’évaluation et de remboursement des produits souligne l’importance d’une collaboration étroite entre les acteurs privés et les autorités publiques.[5]

→ Des questions cruciales telles que la reconnaissance des résultats cliniques entre les différents pays, l’interopérabilité des systèmes, la protection des données et l’accès au marché nécessitent une attention particulière et des efforts concertés.[6]

→ Au-delà de la conformité aux normes et de l’harmonisation des pratiques, l’enjeu fondamental réside également dans le renforcement de la confiance des professionnels de santé dans les DTx, afin de favoriser leur prescription et leur adoption par les patients.

La mobilisation de l’ensemble des parties prenantes doit permettre d’intégrer efficacement les DTx dans le paysage des soins, contribuant ainsi à améliorer les résultats cliniques et la qualité de vie des patients.

 

Regard By Proxicare

Proxicare accompagne les fabricants de dispositifs médicaux numériques européens dans la définition et la mise en œuvre de leur stratégie d’accès au marché, notamment l’analyse des exigences en matière d’évaluation et de remboursement, d’interopérabilité et prérequis associés au déploiement des solutions auprès des professionnels et établissements de santé. Proxicare accompagne également les exploitants de DMN dans la mise en place de dispositifs de facturation efficients.

 


 

[1] Rapport du GKV-Spitzenverband sur l’utilisation et l’évolution de la couverture des applications numériques en matière de santé (rapport DiGA) septembre 2023

[2]   Rapport du GKV-Spitzenverband sur l’utilisation et l’évolution de la couverture des applications numériques en matière de santé (rapport DiGA) septembre 2023

[3]https://esante.gouv.fr/sites/default/files/media_entity/documents/ans-msp-has_webinaire-pecan_23032023_v3.pdf

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048276427

[5] 2023 Healthware Group and Digital Therapeutics Alliance – DTx policy pathways: the evolving scenario in Europe

[6] https://www.devicemed.fr/dossiers/reglementation/dtx-la-reglementation-se-met-progressivement-en-place/37201

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