Genre & santé : une vision nouvelle de la pratique médicale
< Actualités - Publié le 26 mars 2019

Genre & santé : une vision nouvelle de la pratique médicale

La deuxième matinale organisée par l’association Parité Assurance Santé, « l’influence des stéréotypes de genre sur les pratiques médicales » s’est tenue le 21 février dernier au siège de la MGEN à Paris.

Animée par Catherine Vidal, cette matinale a permis de sensibiliser les participants sur l’influence du genre sur la pratique médicale.

« En matière de santé, les hommes et les femmes ne sont pas logés à la même enseigne. Mais les différences biologiques sont loin d’être seules en cause : les représentations sociales liées au genre féminin ou masculin jouent sur l’attitude des patients et du corps médical »[1].

Neurobiologiste et membre du Comité d’éthique de l’Inserm, C. Vidal est également l’auteure du livre « Femmes et santé, encore une affaire d’hommes » qui met en avant les inégalités entre les sexes en matière de santé. Elle nous éclaire sur ce sujet source de réflexions et de recherches innovantes en France, et nous propose de le déconstruire autour de quelques exemples documentés.

 

Mais d’abord, qu’est-ce que le genre ?

Selon la définition de l’OMS, le genre décrit les caractéristiques, les rôles et les responsabilités socialement construits des femmes et des hommes, des garçons et des filles. Ainsi le genre porte sur la façon dont nous sommes perçu-e-s et sur la façon de penser et d’agir que l’on attend des femmes et des hommes, en fonction de la manière dont la société est organisée, et non en raison de nos différences biologiques.[2]

 

Une influence des stéréotypes de genre dans le diagnostic de pathologies courantes

Depuis de nombreuses années, la recherche met en lumière des différences de diagnostic entre l’homme et la femme pour plusieurs pathologies courantes. Alors que les facteurs biologiques différenciants sont connus de tous, ils ne sont pas les seuls en cause : les représentations liées au genre peuvent influencer considérablement le diagnostic.

 

Les maladies cardiovasculaires

Alors qu’elles représentent la première cause de mortalité chez les femmes (à l’origine de 9 millions de décès de femmes dans le monde), les maladies cardiovasculaires sont sous-diagnostiquées chez les femmes par rapport aux hommes. Or, les maladies cardiovasculaires sont perçues comme des « maladies masculines ».

Dans les représentations, ces pathologies surviennent notamment suite à des facteurs de risques tels qu’un haut niveau de stress, souvent associé par les médecins au profil de patients « homme d’âge mûr, stressé au travail ». Toutefois il est admis que d’autres facteurs expliquent une prévalence plus élevée des maladies cardiovasculaires chez la femme.

Ces stéréotypes ont une influence réelle sur le diagnostic : des retours de pratique clinique ont démontré qu’une femme qui se plaint d’oppression dans la poitrine se verra prescrire plus souvent des anxiolytiques, alors qu’un homme qui consultera pour les mêmes symptômes sera orienté plus rapidement vers un cardiologue.

 

L’ostéoporose

L’ostéoporose, sous-diagnostiquée chez l’homme, est généralement perçue comme une « maladie féminine » liée aux changements hormonaux à l’origine de la ménopause (notamment la baisse des œstrogènes).

Or, il a été prouvé que l’ostéoporose n’est pas seulement reliée aux hormones sexuelles et à l’âge. Ses déterminants relèvent aussi du mode de vie : notamment le niveau d’exercice physique et de la nutrition, ce qui nous questionne sur les différences de prévalence qui existent entre les genres.

 

Le diagnostic d’autres pathologies telles que la dépression, l’autisme ou encore la maladie d’Alzheimer est également influencé par les stéréotypes de genre. On observe de forts écarts de prévalence entre les deux sexes pour ces maladies : 2 femmes pour un homme pour la dépression, 4 hommes pour une femme pour l’autisme ou encore 3 femmes pour 1 homme pour la maladie d’Alzheimer[3] . Or, ces différences ne s’expliquent pas uniquement par des facteurs biologiques :  il existe un consensus scientifique sur le rôle des facteurs socio-culturels dans leur apparition.

Concernant la dépression, si elle est sous-diagnostiquée chez l’homme c’est notamment parce que les femmes s’autorisent plus facilement à exprimer leurs émotions et leurs douleurs, à l’inverse des hommes qui sont censés se montrer « stoïques » face à leurs douleurs physiques ou psychiques.

Les normes sociales liées aux genres expliquent également un retard de diagnostic de l’autisme pour les petites filles. Le retrait sur soi, le défaut d’interactions sociales sont considérées comme des comportements traduisant de la réserve et de la timidité chez la petite fille alors que chez les petits garçons, ces mêmes attitudes démontrent des troubles de la communication associés à des troubles autistiques.

 

Des inégalités de santé liées au genre

A travers ces différents exemples, C. Vidal démontre qu’il existe bel et bien des inégalités de genre dans la pratique médicale. Ces inégalités sont encore renforcées par des facteurs socio-économiques : en France, 78% des emplois précaires sont occupés par des femmes[4]. Et dans la catégorie des femmes en emploi, le taux de mortalité des femmes ouvrières est trois fois supérieur à celui des femmes cadres[5].

Il existe alors en France de nombreuses inégalités de santé liées au genre, démontrées par les indicateurs de santé publique : les différences de prévalence des maladies observées entre les genres mais aussi des indicateurs macro de santé (mortalité, accès aux soins, etc.).

Ces constats doivent inciter les décideurs et les acteurs de santé publique à mettre en œuvre des politiques de santé qui prennent en compte ces inégalités et permettent de les réduire.

 

Comment agir ?

C. Vidal terminera la conférence en donnant des pistes de mesures à mettre en place. Elle met en avant premièrement l’importance de former les étudiants en santé à ces enjeux et ensuite les professionnels de santé, et deuxièmement, d’intégrer cet aspect de genre dans les rapports et baromètres de santé publics pour qu’ils soient diffusés au plus grand nombre et que ce sujet soit de plus en plus discuté.

 

Par Fatema Nouroudine Hassanaly

 

 

[1] Inserm. Prendre en compte les différences, pour mieux combattre les inégalités. En ligne : https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/genre-et-sante

[2] World Health Organization (2007). Gender Inequity in Health: why it exists and how we can change it.

[3] Chiffres donnés lors de la conférence

[4] OXFAM (décembre 2018). Travailler et être pauvre : les femmes en première ligne. Et chiffres donnés lors de la conférence.

[5] Insee (octobre 2011). L’espérance de vie s’accroît, les inégalités sociales face à la mort demeurent.

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