La France doit accélérer le déploiement du numérique dans le secteur de la santé. Ce constat, rappelé encore récemment lors du Ségur de la Santé, est sans appel : nos voisins européens sont plus avancés et nous nous privons de gains de productivité et d’efficience importants. Pour y remédier, les pouvoirs publics ont établi en 2018 une stratégie globale et innovante, détaillée dans la feuille de route du numérique issue de Ma santé 2022. Cette stratégie ambitionne de redéfinir complètement le rapport aux données de santé, afin d’en exploiter tout le potentiel grâce aux efforts de l’ensemble des acteurs du système de santé et à l’implication des usagers. Pour ce faire, Ma Santé 2022 a lancé la création de 3 plateformes majeures : l’Espace Numérique de Santé, le Bouquet de Services aux Professionnels de santé, et le Health Data Hub. Cette logique de plateformisation permet de rassembler et regrouper les différentes initiatives, privées et publiques, dans un même cadre d’interopérabilité pour permettre l’acculturation de tous.
Un des axes forts de cette stratégie est la place accordée au citoyen-usager, qui est au cœur du système, et à qui les moyens numériques vont être donnés pour devenir véritablement acteur de sa santé. C’est en tout cas l’ambition clairement affichée dans l’Espace Numérique de santé. Cela répond également à une attente forte des usagers : aujourd’hui, 8 Français sur 10 se déclarent favorables à l’utilisation d’un espace numérique de santé (ENS), « sécurisé et éthique », et 7 Français sur 10 se déclarent prêts à donner l’accès à leurs données de santé dans le cadre de l’ENS à certains services pour améliorer le suivi de leur santé (selon un sondage OpinionWay).
L’ENS : une plateforme à la hauteur de ses ambitions ?
En lançant l’ENS, les pouvoirs publics innovent avec une stratégie d’adoption complètement nouvelle. Finie la stratégie d’opt in, qui aura fait l’échec du DMP, et place à l’opt out. Chaque citoyen, sauf s’il s’y oppose, se verra donc créer son espace personnel. Concrètement, cela signifie qu’on devrait voir apparaitre plus de 50 millions d’ENS au 1er janvier 2022, et que ce nombre augmentera, étant donné qu’à partir de cette date, pour toute naissance, un ENS sera créé automatiquement. L’Etat a tiré les enseignements des expériences de déploiement des différentes vagues du DMP, et choisi l’opt out, à l’image des pays scandinaves.
Cette logique de « consentement par défaut » ne garantit pas pour autant un usage massif. Pour cette raison, l’accent est porté, dans sa conception, sur une approche complètement user-centric, très simple d’utilisation et très sûre avec une UX et une UI adaptées, notamment pour les citoyens sujets à la fracture numérique. La simplicité d’utilisation est également portée par la gestion des consentements aux données, étape clé de chaque usage qui permet à l’utilisateur de bien comprendre ce qui est fait de ses données et les finalités des traitements réalisés.
L’ENS est un outil puissant de par les fonctionnalités qu’il met en œuvre. Il rassemble les données de santé du citoyen, en partant de l’existant du DMP, et en l’enrichissant d’un carnet de santé numérique, des ordonnances (via la e-prescription) et d’un entrepôt de données contenant les constantes de santé. Parmi les autres fonctionnalités socles, on distingue un agenda (couplé à un système de notifications) et une messagerie de santé compatible MSSanté. La crise sanitaire actuelle a montré à quel point les communications entre les médecins et leurs patients pouvaient être insuffisamment sécurisées et qu’il existait donc un vrai besoin en la matière. Dernière fonctionnalité : le store Santé. Celui-ci référencera et mettra à disposition de tous les utilisateurs des services numériques en santé (applications ou site web). Encore en construction, le cadre de référencement devrait mettre en lumière le bénéfice pour les citoyens-usagers et patients, l’accessibilité, ainsi que la conformité à la doctrine numérique (notamment via la future labellisation Convergence).
L’ensemble des fonctionnalités sont organisées au sein de l’ENS sous la logique de plateforme, et cela dans un cadre d’interopérabilité. L’ambition est claire, c’est d’engager l’ensemble des acteurs dans le projet en permettant un accès aux données de santé.
En quoi l’ENS est-il une opportunité pour les éditeurs de services numériques en santé ?
A travers la conception du Store Santé, les pouvoirs publics offrent une voie d’accès directe aux usagers-citoyens pour les fournisseurs de services qui souhaitent s’y engager. Fin 2020, le GIE Sesam Vitale avait lancé un appel à candidatures pour construire le cadre d’interfaçage des services avec l’ENS. En cours de finalisation, la sélection de projets intègrera le Store en phase pilote.
En effet, outre l’accès aux données de santé, les applications pourront également utiliser les fonctionnalités socles de l’ENS (DMP, agenda, messagerie). Il sera donc possible d’inscrire un rendez-vous dans l’agenda patient, de recourir à la messagerie pour faire transiter un document de santé, de mettre à jour les constantes de santé du DMP via des objets connectés…Pour les éditeurs de services de santé numériques, il s’agit là d’une opportunité de renforcer les fonctionnalités de leurs services propres et de développer de nouveaux usages via l’accès à des documents ou données anciennement inaccessibles. En effet, les données contenues dans le DMP vont progressivement devenir interopérables et passer d’un format CDAr2 niveau 1 « non structuré » à un niveau 3 structuré, comme peuvent l’être aujourd’hui l’historique des remboursements CNAM ou le volet de synthèse médicale. Avec le consentement du patient et si la finalité est justifiée, de potentiels usages ou fonctionnalités innovantes pourront être développées.
Outre les possibilités techniques qui s’ouvrent aux éditeurs, c’est aussi une fenêtre d’exposition qui s’ouvre pour eux. L’ENS souhaite via le Store, garantir à l’usager une offre enfin lisible et claire de services en santé. Un algorithme sera mis en place pour recommander des services à l’usager. On peut donc imaginer qu’en fonction du profil patient et de ses pathologies éventuelles, les services pertinents pourront être mis en avant (ex : services de PSAD, applications liées à des Dispositifs médicaux, applications des laboratoires liées au bon usage des médicaments…). De même, la CNAM travaille avec les organismes complémentaires pour permettre à l’ENS d’afficher l’assureur complémentaire de l’usager. Et cela pourrait également se traduire par une mise en lumière des services de l’assureur complémentaire du citoyen-usager s’il en propose. A ce titre, c’est bien sûr une opportunité forte d’exposition pour l’ensemble des services de coaching, de prévention, d’accompagnement dans le parcours de soins créés par les assureurs complémentaires, les laboratoires pharmaceutiques, fabricants de dispositifs médicaux, hôpitaux et plus globalement par tout autre éditeur d’applications numériques de santé.
Cette opportunité suppose le respect de différentes exigences. L’interfaçage avec l’ENS requiert la conformité à des référentiels « Ethique », « Sécurité » et « Interopérabilité », ainsi que les normes d’utilisation des données de santé (HDS, INS, …). Les parcours utilisateurs devront également être repensés : authentification, navigation sans couture (France Connect ?) sont autant de problématiques techniques à traiter. En première intention, le référencement privilégiera également les applications ayant un impact fort sur la santé du patient.
Regard d’expert by Proxicare
L’espace Numérique de Santé est un « game changer ». Les acteurs ont donc tout intérêt à anticiper les changements et s’interroger sur leur candidature, au plus vite, à un référencement dans le Store ENS. L’équipe Proxicare vous accompagne dans vos réflexions stratégiques et dans la conception ou dans l’analyse de votre socle applicatif par rapport aux exigences de l’ENS. Elle s’allie avec l’équipe de Softeam pour vous proposer un accompagnement à la fois technique et fonctionnel vos solutions.
Par Nacer Menane