L’intelligence artificielle au service de la santé – Enseignements du rapport Villani
< Actualités - Publié le 16 avril 2018

L’intelligence artificielle au service de la santé – Enseignements du rapport Villani

Le député et mathématicien Cédric Villani a remis fin mars son rapport sur l’Intelligence Artificielle (IA), une mission qui lui a été confiée par le Premier ministre. Les conclusions de son rapport ont conduit le gouvernement à bâtir un plan national pour développer l’IA. 1,5 milliard d’euros, dont près de 400 millions d’euros d’appels à projets et de défis d’innovation de rupture, vont être débloqués. Quatre secteurs prioritaires sont définis dans ce rapport, dont celui de la santé.

 

« Pour renforcer l’écosystème fran­çais et européen de l’intelligence artificielle, il nous faut tirer parti des avantages comparatifs et des niches d’excellence de notre économie », souligne en introduction les rédacteurs du rapport. Quatre secteurs prioritaires ont ainsi été retenus par la mission Villani : l’écologie, les transports-mobilités, la défense-sécurité et enfin la santé. Pour chacun de ces domaines, l’objectif retenu sera d’assurer le développement d’applications d’IA et d’usages qui « contribuent à amé­liorer notre performance économique ainsi que le bien commun ». Ils concerneront par exemple la détection précoce des pathologies, la médecine des 4P, la disparition des déserts médi­caux ou encore la mobilité urbaine à zéro émis­sion. La stratégie retenue vise à mettre en place des plateformes sectorielles de mutualisation, dans un continuum public-privé, afin de permettre aux acteurs des différents écosystèmes (chercheurs, entreprises, puissance publique) de développer de nouvelles fonction­nalités adaptées aux spécificités de chaque secteur. « L’État doit être un puissant moteur de ces transformations », affiche clairement le rapport, charge à la puissance publique de se donner les moyens matériels et humains d’intégrer l’IA à la conduite de ses politiques publiques. Un coordinateur interministériel sera à cet effet dédié à la mise en œuvre de la stratégie. Dans ce cadre, la commande publique, qui « devra être repensée », est estimée à près de 70 milliards d’euros. Dans le domaine de la recherche, des Instituts Interdisciplinaires d’Intelligence Artificielle (3IA) autonomes et coor­donnés seront créés, réunissant chercheurs, ingé­nieurs et étudiants. Ils seront répartis géographiquement sur l’ensemble du territoire national et diversifiés thématiquement. Ils pourront également disposer d’un supercalculateur, conçu spécialement pour les applications d’IA et complété par un cloud privé, développé au niveau européen.

 

Améliorer la qualité des soins

Dans un focus sectoriel consacré à la santé (2), le rapport souligne des impacts de l’IA. Elle devrait améliorer la qualité des soins et leurs coûts, et contribuer à améliorer l’accès aux soins grâce à certains outils, charge aux pouvoirs publics de s’adapter rapidement aux usages liés à l’IA.  « Près de vingt ans après la création de la base nationale des données médico-

administratives (SNIIRAM), la France doit à nouveau faire figure de pionnière en investissant massivement dans les capacités de recherche et d’innovation en matière d’IA appliquée à la santé », expliquent les rapporteurs de la mission. Il s’agit en l’occurrence de mettre en place des systèmes adaptés aux usages liés à l’IA, en « plateformisant » (sic) le domaine, en le dotant de procédures d’accès aux données plus fluides et en l’assortissant d’un cadre pour expérimenter « en conditions réelles » les solutions émergentes.
« L’appropriation de l’IA en santé dépend également de notre capacité à accompagner les patients et professionnels de santé dans la transformation des pratiques médicales, ainsi qu’à structurer et animer en continu un débat national sur les usages éthiques de l’IA en santé », ajoute le rapport.

L’IA devra ainsi permettre de construire un diagnostic et une stratégie thérapeutique plus adaptés au besoin du patient, son environnement et son mode de vie. En un mot, elle accompagnera l’examen clinique du professionnel de santé, permettra de faire un suivi prédictif du développement d’une maladie, d’élaborer de nouvelles hypothèses de diagnostic et de formuler des propositions thérapeutiques plus personnalisées.

Dans le domaine de la recherche médicale, les technologies d’IA faciliteront également l’exploration des publications scientifiques et l’analyse des résultats de recherches fondamentales. Encore faudra-t-il en amont que le système de santé capte, structure et annote les données associées au patient. « De nombreux résultats permettent d’illustrer en quoi l’IA pourra être à l’origine de bénéfices importants pour la recherche, la pratique médicale, le système de santé national, les personnes malades et l’ensemble des citoyens ». Les objets connectés de notre quotidien – (objets de quantified self, apps de santé sur le smartphone), les capteurs de notre environnement (objets de mesure de la pollution, du stress sonore) sont autant de supports pour agréger des données et les analyser de manière automatisée.
Vers un nouveau chantier

Reste, souligne la mission que « la portabilité et la possibilité pour l’individu de communiquer des « données pertinentes pour la santé » doivent être repensées à l’heure de l’IA. »

Dans ce cadre, le rapport propose de lancer un nouveau chantier de production d’informations et de données de santé accompagnant le DMP (dossier médical partagé, récemment relancé par la CNAM). Il propose également de déployer des outils, techniques d’automatisation de la codification des informations produites par les patients en données pertinentes pour le suivi médical, et enfin de sensibiliser les patients à la maîtrise de leurs données de santé.

 

Mais le développement de l’IA ne pourra avoir lieu sans une transformation en profondeur des pratiques des professionnels de santé. « S’il n’est pas question de remplacer les médecins par la machine, l’enjeu est bien d’organiser des interactions vertueuses entre l’expertise humaine et les apports de l’IA dans l’exercice quotidien de la médecine », note à cet égard la mission. L’IA entraînera immanquablement une réorganisation des pratiques médicales, avec à terme des changements dans la répartition des rôles entre les différentes professions médicales, à la formulation de nouveaux duos (avec des outils d’IA).

Les changements qui seront opérés dans le champ de la santé avec le développement de l’IA supposent quelques préalables. Le rapport souligne à cet égard la nécessité de transformer les voies d’accès aux études médicales (diversifier notamment les profils et mettre fin à la logique de compétition), de former les professionnels de santé aux usages de l’IA, de l’IOT et du big data en santé et enfin de clarifier la responsabilité médicale des PS en cas d’utilisation des technologies de l’IA.

 

Renforcer l’efficience en santé

La prévention, maître mot de la politique de santé conduite par l’actuel gouvernement, pourra également être mieux organisée. « L’intelligence artificielle peut être mobilisée par la puissance publique pour conduire des politiques de prévention sanitaire prédictives, plus ciblées et individualisées », souligne la mission. Les demandes de soin sur le territoire pourront être mieux gérées et anticipées et le recours à l’IA permettra de faciliter la gestion des flux hospitaliers. En un mot, l’intelligence artificielle permettra de « renforcer l’efficience de notre système de santé à travers une analyse prédictive de la demande de soin, la construction d’outils de pilotage économique et médical plus fins et plus réactifs. » Encore faudra-t-il à cet égard accompagner la transformation des métiers, faciliter la coordination des acteurs de santé et mettre en place une véritable gouvernance de la donnée de santé. Toutes choses qui pourraient prendre du temps.

 

Un modèle de plateforme

En conclusion, pour créer une offre lisible autour des données de santé, le rapport Villani avance la nécessité de mettre en place une plateforme adaptée aux usages de l’IA. Doté d’une base nationale de données médico-administratives (SNDS) unique au monde, qui couvre 99 % de la population, la France doit encore l’adapter au développement de l’IA dans la santé. Car son architecture technique (matérielle, logicielle, et base de données) n’a pas été conçue pour des finalités de recherche, d’innovation ou de mise en place de nouvelles applications, souligne le rapport, qui en appelle à la création de nouvelles infrastructures d’information sur un modèle de plateforme. « Une plateforme d’accès et de mutualisation des données pertinentes pour la recherche et l’innovation en santé aura vocation à se substituer à terme au socle du SNDS », notent les auteurs. « Un guichet unique pourrait être créé pour collecter les demandes d’expérimentation qui prendront la forme d’un dossier unique. » Enfin, il faudra développer une offre lisible d’accès aux bases de données hospitalières, afin « d’inciter les hôpitaux à organiser des « data science bowl » ou challenges autour des jeux de données ». Enfin, il faudra assurer l’interopérabilité des données et des systèmes (des hôpitaux jusqu’au SNDS). « Un chantier qui pourra être articulé avec le développement d’une architecture technique du Dossier Médical Partagé compatible avec les usages de recherche et d’innovation. »

« Nous savons que, grâce à l’IA, nous allons pouvoir prévenir les pathologies et aller vers une médecine personnalisée. L’IA ne vient pas se substituer aux innovations médicales mais elle permet d’aller plus vite », a expliqué Emmanuel Macron fin mars, lors de la présentation du « Plan pour l’intelligence artificielle ».

 

 

Regard d’expert BYPROXICARE

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(1) « Donner un sens à l’Intelligence Artificielle. Pour une stratégie nationale et européenne », rapport de la mission parlementaire du 8 sept 2017 au 8 mars 2018. Quatre secteurs prioritaires sont définis : la santé, l’écologie, les transports-mobilités et la défense-sécurité

(2) « La santé à l’heure de l’IA »

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